Depuis quelques jours émerge la possibilité d’une fusion entre la Jumbo-Visma et la Soudal-Quick Step, toutes deux à la recherche d’un co-sponsor pour la saison prochaine. Mais si les discussions ont effectivement eu lieu, un accord est encore loin d’être acté, d’autant que les obstacles et les questions qui entourent cette fusion restent nombreux.
Le cyclisme était encore sous le choc de la domination de la Jumbo-Visma lors de la dernière Vuelta quand cette nouvelle est tombée : la formation néerlandaise serait sur le point de fusionner avec la Soudal-Quick Step. La direction de la Jumbo-Visma aurait rencontré à Genève le milliardaire tchèque Zdenek Bakala, propriétaire de la Soudal Quick-Step, dont il détient 80 % des parts, et la possibilité d’une fusion aurait été sur la table. "C’est plus concret qu’il n’y parait, confirmait dans un Space sur X le journaliste de DirectVelo James Odvart. Il y a un vrai rapprochement qui existe entre ces deux équipes". Il y a bien eu une discussion – a minima – concernant la possibilité de fusionner entre les deux équipes et un dossier aurait d’ailleurs déjà été soumis à l’UCI. Même si le manager de la Quick Step Patrick Lefevere a voulu rassurer ses coureurs.
"Des discussions ont eu lieu avec différentes parties au cours des derniers mois, car j'ai toujours été ouvert aux discussions avec tous ceux qui pensaient pouvoir investir dans notre équipe et nous aider à aller de l'avant, a-t-il écrit dans un mail à ses coureurs. Cela n’a jamais été un secret. Mais il n’existe pas de projets ou de plans concrets pour le moment. Si cela change, vous en serez informés." Le potentiel de cette fusion est hallucinant, et franchement inquiétant pour l’avenir du cyclisme, comme le pense le champion du monde 2012, Philippe Gilbert : "Une fusion entre Decolef (NDLR : la société à laquelle appartient la Quick Step) et l’équipe de Richard Plugg aurait des conséquences catastrophiques sur l’économie du cyclisme professionnel", tweetait le désormais consultant pour Eurosport. Une fusion qui pose aussi beaucoup de questions.
Quand aurait lieu cette fusion ?
C’est la première incertitude qui concerne cette fusion. Si les deux équipes ont déposé un dossier de fusion auprès de l’UCI, déjà, c’est sans doute pour le plus rapidement possible, donc pour la saison 2024, pour laquelle Jumbo comme Quick Step cherchaient déjà un nouveau sponsor. Pour autant, vu les nombreuses incertitudes et difficultés – que l’on va expliquer ensuite - qui pèsent sur cette potentielle fusion, le timing est serré. "Pour moi, la question, elle est là, avoue James Odvart. Avec la date limite du dépôt des licences fixé au 15 octobre, le timing est serré. D’ailleurs, des rumeurs évoquent la possibilité que ce délai soit repoussé d’une semaine. C’est bien la preuve qu’il se passe quelque chose". Mais il ne faut pas non plus écarter la possibilité de voir cette fusion n’intervenir qu’en 2025.
Une fusion en mode grand ménage ?
La deuxième difficulté réside dans les deux effectifs actuels. 23 coureurs sont sous contrat à la Soudal-Quick Step en 2024, alors que la Jumbo-Visma en possède, elle, 27. Autant dire qu’une fusion entre les deux équipes offrirait un effectif de 50 coureurs, soit 20 de plus que la limite autorisée par l’UCI (30, dont 3 néo-pros). "Une fusion ferait beaucoup de victimes, les coureurs sont trop nombreux, donc un certain nombre d’entre eux resteront sur le carreau", explique Gérard Bulens, consultant pour la RTBF. Et cela inquiète les coureurs. “Cette rumeur est très surprenante pour nous, nous l’avons découverte en même temps que le grand public, avouait anonymement un coureur de la Jumbo-Visma pour GCN. Pourquoi les deux meilleures équipes devraient fusionner ? Surtout avec des mentalités si différentes… De mon point de vue, cette opération a très peu de chances d’aboutir”.
Le faible nombre de coureurs sous contrat du côté de la Movistar (7) et d’INEOS Grenadiers (15) laisse penser que les autres équipes sont au courant de cette possible fusion et jouent la montre pour espérer récupérer gros. Si Quick-Step et Visma fusionnent, pourront-ils garder tous leurs leaders, de Vingegaard à Evenepoel en passant par Van Aert, Alaphilippe, Landa, Roglic, Kuss ? Sans oublier le staff concerné. "Le personnel de l’équipe, que ce soit en direction sportive, les mécaniciens, les soigneurs, l’encadrement… Cela fait un paquet de gens à recaser, s’inquiète Gerard Beulens. Tout cela sera compliqué".
Avec ou sans Remco Evenepoel ?
Et le cas Remco Evenepoel devrait alors revenir sur toutes les lèvres. Vainqueur de la Vuelta 2022, double tenant de Liège-Bastogne-Liège, champion du monde du contre-la-montre, le Belge s’est souvent plaint d’avoir une équipe trop légère pour l’accompagner sur les Grands Tours. Une fusion avec Visma semblerait régler tous ses problèmes… s’il rejoint la structure néerlandaise. Car rien n’est moins sûr. Les rumeurs vers INEOS Grenadiers ne datent pas d’hier et ses relations avec la Jumbo-Visma ne poussent pas l’optimisme vers son arrivée là-bas. "La seule chose que je peux dire, c'est que Remco (Evenepoel, ndlr) déteste la Jumbo et que la Jumbo déteste Remco, avouait Geraint Thomas dans Watts Occurring, le podcast dont il est la tête d’affiche avec son coéquipier Luke Rowe. Donc ça ne fonctionnerait pas, n'est-ce pas ?" D’autant qu’il est difficile d’imaginer Remco Evenepoel en leader sur le Tour de France 2024 au sein de la même équipe que Jonas Vingegaard…
Quelle structure serait majoritaire ?
Tout ceci reste évidemment hypothétique mais en cas de fusion, l’une des deux structures disparaitrait, c’est mathématique. Garderait-on la licence Visma ou la licence Quick Step ? La question peut paraitre anodine mais elle ne l’est pas du tout. "A partir du moment où on fait une fusion et qu’on reste sur une licence, cela signifie que les coureurs de l’autre structure, même s’ils ont un contrat pour 2024, seront libres", expliquait James Odvart. Par exemple, si Quick Step rejoignait la licence Visma, Mikel Landa, qui a pourtant signé pour l’an prochain, deviendrait immédiatement libre de signer où il veut. Dans la nouvelle équipe sortie de la fusion… ou n’importe quelle autre. Comme tous les autres coureurs de son équipe. Car c’est bien elle qui est concernée par ce cas. "On est bien parti pour rester sur la licence Jumbo-Visma", assurait notre collègue de DirectVélo lundi soir.
Quid des équipes féminines et des U23 ?
On évoque beaucoup les 50 coureurs qu’une fusion impliquerait mais elle concerne bien plus que cela. Une fusion entre les deux structures poseraient également la question de l’avenir de la Jumbo Visma (12 coureuses en 2024 dont Marianne Vos ou Riejanne Markus) et d’AG Insurance - Soudal Quick-Step (4 dont Ashleigh Moolman) au niveau des féminines mais aussi de la Jumbo-Visma Development (15 dont Menno Huising ou Jørgen Nordhagen, censés passer pro en 2025) et de la Soudal - Quick-Step Devo (5 dont Niels Driesen et Lars Vanden Heede, parmi les meilleurs juniors). Au total, ce sont tout simplement 86 cyclistes qui sont impliquées dans cette fusion.
Quelle 18e équipe en WT ?
"Si fusion il y a, c’est une fusion de deux équipes, explique James Odvart. Ça doit libérer une licence". Reste à savoir à qui profiterait cette 18e licence en World Tour. Sportivement, la Lotto-Dstny est de loin la plus compétitive (9e du classement mondial UCI, loin devant la deuxième Conti Pro, Israel-Premier Tech, 16e) et fait partie en plus des deux formations qui bénéficient automatiquement d’une invitation pour les épreuves World Tour qu’elle souhaite disputer. Mais une licence WT ne dépend pas uniquement du sportif et il est parfois plus facile d’être une Conti Pro invitée là elle le veut qu’être une WT obligée de se rendre partout. De quoi, peut-être, ouvrir la porte à une équipe comme TotalEnergies (22e du classement mondial UCI) ou Uno-X (20e), qui vise ouvertement le World Tour. Mais, bien sûr, tout cela dépendra de cette fusion Visma-Quick Step encore loin d’être actée.
Comments