Apparu sur la route en 2007 après des débuts sur piste, Mark Cavendish s’est imposé dès 2008 comme la référence absolue du sprint mondial, en empilant les victoires et remportant tout ce dont un sprinteur peut rêver. Un mythe.
En s’avançant les yeux humides, le visage plein de boue devant les journalistes à l’arrivée de Gand-Wevelgem, dimanche 11 octobre, Mark Cavendish n’a pas pu contenir ses émotions. Bégayant et en larmes, il annonce, à demi-mots, qu’il venait certainement de disputer l’une des dernières courses de sa carrière. Même si rien n'est encore officiel concernant sa fin de carrière, son déchirement symbolisait à la fois la peur du nouveau monde qui l’attendait, et la nostalgie de ses années de règne qui l’ont vu dominer le sprint mondial au début des années 2010.
Le coureur de l’île de Man aurait préféré se retirer de la route avec de meilleurs adieux que ces dernières saisons en dents de scie pendant lesquelles il traînait le traumatisme de ses deux chutes survenues lors du Tour 2017 (poussé par Sagan) et de Milan-San Remo en 2018. « Oui, depuis ce sprint avec Sagan, j’ai peur. Je n’avais jamais eu peur. Tu ne peux plus contrôler ce que les autres font maintenant. Voilà ce qui me fait peur », déclarait-il à L’Equipe en juillet 2018. Terrorisé, Cavendish n’était plus que l’ombre de la légende qu’il a écrite entre 2008 et 2015 sur la route, en empilant les victoires comme d’autres enfilent des perles.
Pourquoi lui :
Car le Britannique n’est autre que, selon nous, le meilleur sprinteur du 21e siècle. Il est d’ailleurs le seul de notre top 10, et pour cause : le Mannois a remporté tout ce dont un sprinteur peut rêver. Champion du monde sur route en 2011, champion de Grande-Bretagne en 2013, Milan-San Remo en 2009, des victoires d’étapes sur chacun des Grands Tours ainsi que les maillots du classement par points, victoires sur les Champs-Elysées en conclusion du Tour. Bref, sur ces 8 saisons de règne, Cavendish était imbattable, au sein d’un collectif qui lui était presque exclusivement consacré. La formation Highroad, devenue Columbia puis HTC-Highroad (entre autres), lui a offert ses plus grands succès entre 2008 et 2011.
Dernier échelon d’un train devenu référence, Cavendish ne lâchait la roue de Mark Renshaw que dans les derniers hectomètres de course. Son acolyte australien, également très bon sprinteur, fut un remarquable poisson-pilote, allant même jusqu’à mettre des coups de casque à ses adversaires pour offrir le champ libre à son leader. De son style extrêmement dynamique, voire teigneux du haut de son mètre 75 et de ses 70 kilos, le Cav’ faisait parler sa puissance pour conclure ces formidables lancements et dégouter ses adversaires. Personnage parfois agaçant mais terriblement humain, comme le montre son déclin progressif depuis 2018, il a su marquer l’histoire du Tour et du cyclisme pour s’offrir une place de choix dans notre classement.
Ses plus grands exploits :
Une étape de plaine est une course sans véritable relief, qui se conclut généralement par un sprint massif. Et à la fin, c’est Cavendish qui gagne. Cette formule remasterisée de Gary Lineker s’applique parfaitement aux sprints de la période 2008-2012, lors de laquelle le Britannique raflait tout sur son passage. Mais on retiendra, parmi tous les autres, le Tour de France 2009, lors duquel le sprinteur de l’île de Man réalisa un véritable carton plein, en empochant les 2e, 3e, 10e, 11e, 19e et 21e étapes, soit 6 victoires au total. Seul Thor Hushovd eut la chance de remporter une étape de plaine, et encore : la côte de l’arrivée annihilait les chances de Cavendish. Pour 10 points et grâce à sa régularité, le Norvégien empocha le maillot vert, mais nul doute que le Britannique était le meilleur sprinteur du moment, et pour un bon bout de temps.
Et surtout, cette performance a donné accès à Cavendish à deux records absolument exceptionnels. En remportant l’étape des Champs-Elysées, ce dont tout sprinteur rêve comme un grimpeur de s’imposer à l’Alpe d’Huez ou au Tourmalet, Cavendish a commencé une série de 4 succès consécutifs sur la plus belle avenue du monde. Personne n’a évidemment fait mieux et même aussi bien. Enfin, remporter 6 étapes lors du même Tour est une performance monumentale : seuls Eddy Merckx, Freddy Maertens, Charles Pélissier (8 succès chacun), Gino Bartali et Bernard Hinault (7) le devancent dans ce classement. Mais pour mieux cerner encore la dimension historique de cet exploit, un coup d’œil aux dates est nécessaire : des 12 coureurs ayant remporté au moins 6 étapes dans un même Tour, Cavendish est le seul du 21e siècle, et même le premier depuis le Blaireau en 1979. Une preuve de plus que le Britannique est une véritable légende du cyclisme, encore plus dans notre siècle.
Ce qui lui manque :
C’est un fait : Mark Cavendish a remporté absolument toutes les courses dont rêvent les sprinteurs. Mondiaux, Milan-San Remo et des étapes sur les trois Grands Tours. Difficile donc de trouver une ligne qui manque au palmarès du Britannique. Mais sa chute de 2017 à Vittel constitue certainement un tournant clé dans la carrière du Mannois, comme il le confiait à L’Equipe en 2018 : « Je suis sûr que j’aurais gagné sur le Tour l’an passé [ndlr, en 2017] si Sagan ne m’avait pas heurté. » Car sans ce traumatisme et avec 4 victoires en plus, le « Cav’ » aurait égalé Eddy Merckx pour s’offrir un (autre) record d’un autre temps, celui du plus grand nombre d’étapes remportées sur le Tour (34). Car pour s’en adjuger 30 entre 2008 et 2016, le sprinteur de l’île de Man a enchaîné les razzias : 4 victoires en 2008, 6 en 2009, 5 en 2010…
Avec 4 autres victoires en 2016, les dernières sur la Grande Boucle, on peut penser qu’il aurait accroché ce record s’il avait été en mesure de le faire. D’autant que dans ce classement, il a dépassé des légendes du cyclisme et pour la plupart des grimpeurs ou des champions du Tour comme Bernard Hinault, André Leducq, André Darrigade ou encore Jacques Anquetil. Le seul autre pur sprinteur de ce classement n’est autre que Marcel Kittel, 11e avec 14 victoires, soit deux fois moins que Cavendish. Mais s’il n’a ni rejoint ni dépassé le « Cannibale », le champion du monde 2011 a inscrit son nom dans la légende, et malgré sa retraite, personne n’oubliera son style teigneux et ses succès à foison.
Son palmarès (non exhaustif) :
30 étapes du Tour de France
15 étapes du Giro
3 étapes de la Vuelta
1er Milan-San remo 2009
1er Championnat du monde 2011
1er Maillot vert TDF 2011
1er Maillot par points Vuelta 2010
Ses records :
Record de victoires d'affilée sur les Champs : 4
Record de victoire sur les GT depuis Merckx : 30
Record du plus grand nombre de victoires sur un GT au 21e siècle : 6
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