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Photo du rédacteurRomain Bougourd

Top 10 du 21e siècle : Vincenzo Nibali, roi sur ses terres

Sixième homme de l’histoire à remporter les trois Grands Tours, Vincenzo Nibali a construit sa légende avec panache et esprit d’attaque. Brillant sur trois semaines et efficace sur les classiques à domicile, il figure haut placé dans la légende du cyclisme.

« On vit une saison particulière et, surtout, un vrai changement de génération qui ne laisse plus de place aux anciens comme moi. » C’est avec une exceptionnelle lucidité mélangée à un certain fatalisme que s’exprima Vincenzo Nibali au soir de la 18e étape du Giro 2020, après avoir été distancé sur les pentes du Stelvio alors qu'il espérait renverser le Tour d'Italie. Mais face aux jeunes pousses en présence qu’étaient Tao Geoghegan Hart et Jai Hindley, le Requin de Messine a dû s’incliner et échouer à la 7e place, à plus de 6 minutes des deux néo-champions. Néanmoins, cette scène et cette déclaration disent beaucoup du champion qu’est Nibali, un attaquant au panache exemplaire, prêt à tout tenter quitte à tout perdre et qui, souvent, a gagné. A 35 ans, l’Italien est sur la fin, certes, mais rien ne dit qu’il ne continuera pas, en 2021 et peut-être au-delà, à enrichir un palmarès doré et quasi unique au 21e siècle, qui lui offre d’office une place dans notre glorieux top 10.


Pourquoi lui :


On en conviendra, la donne a changé avec ce formidable changement de génération que nous observons. Mais avant 2020, remporter un Grand Tour était l’apanage des très grands, d’une certaine élite du peloton, capable de dominer son sujet pendant trois semaines et de se reposer pour cela sur un collectif des plus puissants. Gagner un Grand Tour, c’est se préparer spécifiquement pour cette course, quitte à sacrifier les classiques et d’autres courses non pas moins prestigieuses, mais plus aléatoires. C’est pourtant là que l’on distingue les plus grands champions : ceux qui sont capables de s’imposer dans ces deux configurations. Et sans débat, Nibali est de cette trempe de cyclistes réguliers, dominateurs, à la lecture de course sans faille et au cran décisif. 6e vainqueur des trois Grands Tours (Vuelta 2010, Giro 2013 et 2016 et Tour de France 2014), le leader de la formation Trek-Segafredo s’est aussi offert une jolie collection de Monuments, avec Milan-San Remo en 2018 et le Tour de Lombardie en 2015 et 2017, à chaque fois en terre italienne.


Excellent grimpeur, bon rouleur et très vif au décollage, l’Italien de 35 ans a aussi longtemps fait office de meilleur descendeur du peloton. Une qualité assez rare qui lui a souvent permis de creuser voire de créer des écarts dans des passages décisifs. Et au contraire des différents champions Sky, jamais Nibali n’a disposé d’une équipe surpuissante capable d’éparpiller tous ses adversaires, à l’image de la formation britannique. Ni la Liquigas ni Astana et encore moins la Bahrain-Merida n’étaient à ce point dominatrices et c’est une nouvelle preuve de la force de Nibali, capable, parfois, de se débrouiller tout seul face aux autres. De quoi remporter presque toutes les grandes courses italiennes, avec, en plus du Giro et des deux Monuments, le Tirreno-Adriatico en 2012 et 2013, et le championnat national en 2014 et 2015. Avec ses victoires, il a remporté toutes les grandes courses italiennes du calendrier, faisant de lui le roi sur ses terres. Il compile également 14 victoires d’étape sur les trois Grands Tours, ce qui renforce sa légende. Et, puisque c’est aussi une caractéristique des plus grands champions, Nibali a sa signature, directement issue de son surnom. Le Requin de Messine, ou Lo Squalo dello stretto en VO, positionnait sa main tendue sur son front pour imiter l’aileron du requin. Un style qui restera à jamais dans la légende du cyclisme.


Ses plus grands exploits :


Ses victoires en Grands Tours sont tous le résultat d’une domination et d’un travail de sape régulier qu’a entrepris l’Italien, et à ce titre, on ne peut les qualifier d’exploit. A la définition « action d’éclat manifestant un grand courage », on ne peut considérer la plus grande que cette victoire inattendue sur Milan-San Remo en 2018. A bientôt 34 ans, Nibali avait sorti la plus belle carte de son chapeau pour s’offrir son 3e Monument, et sa première Primavera, « la course la plus éloignée de [ses] caractéristiques », selon lui. Remportée 12 fois par des sprinteurs entre 2000 et 2017, la classique italienne n’était pas taillée pour lui. Pourtant, grâce à son panache et une véritable science de la course, Nibali fit un véritable pied-de-nez aux sprinteurs qui s’attendaient à régler leur compte entre eux. En attaquant dans le Poggio, le Requin confirma son avance dans la descente pour s’imposer avec quelques longueurs d’avance sur les fauves Caleb Ewan et Arnaud Démare. Un véritable exploit qu’il a construit avec une classe qui lui est propre.


Ce qui lui manque :


C’est peut-être le seul coureur de ce classement à qui il manque une vraie ligne au palmarès, voire deux. Et ce n’est pas lui qui dira le contraire. Voir Nibali en irisé n’est qu’un doux rêve pour ses grands supporters, et contrairement à la majorité des autres membres de notre top 10, le Sicilien n’a pas eu ce privilège. Il a caressé l'espoir en 2013, une nouvelle fois chez lui en Italie, mais a été battu au sprint par Valverde pour échouer à la 4e place, au pied du podium. Avec un titre de champion du monde, il aurait pu rentrer dans le cercle très fermé des vainqueurs de Grands Tours et champions du monde, comme Valverde et Evans au 21e siècle. Un espoir de victoire qui est en revanche beaucoup plus évident sur l’autre course légendaire qui manque à son palmarès, Liège-Bastogne-Liège. Alors que cette course semble très bien lui convenir, en tous cas beaucoup plus que Milan-San Remo, Vincenzo Nibali n’a jamais réussi le coup de force sur la Doyenne des classiques, la mythique Liège-Bastogne-Liège, malgré 14 participations et plusieurs top 10. Son plus grand regret restera sa deuxième place en 2012, repris dans les derniers kilomètres par un Maxim Iglinskiy que l’Italien n’a pas pu suivre. Abattu et dépité en franchissant la ligne 21 secondes derrière le Kazakh, Nibali n’a jamais pris sa revanche sur la classique belge, mais sa 8e place en 2018 laisse penser qu’on reverra le Requin de Messine sur la Doyenne. Mais malgré ces manques, nul doute que l'Italien a marqué le cyclisme du 21e siècle.


Ses records :


- 6e coureur vainqueur des trois Grands Tours

- 11 podiums en Grand Tour, co-recordman dans la décennie 2010

- Vainqueur d'étape sur les 3 GT


Son palmarès (non exhaustif) :


- 1er Vuelta 2010

- 1er Giro 2013 et 2016

- 1er Tour de France 2014

- 1er Milan-San Remo 2018

- 1er Tour de Lombardie 2015 et 2017

- 1er Tirreno-Adriatico 2012 et 2013

- 52 victoires

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