Fondée en 1988, la T-Mobile a grandi pour devenir la meilleure équipe du monde au tournant du siècle. Dominante sur tous les terrains, la formation allemande a été reprise par HTC High Road qui a poursuivi une tradition du sprint solidement ancrée.
Le cyclisme professionnel a ceci de particulier que les équipes changent non seulement de coureurs, mais aussi de nom. Alors qu’un club de football ou de rugby traverse les décennies en gardant son histoire et ses couleurs, une équipe cycliste survit rarement plus de dix ans sans connaître de véritables chamboulements : changement de sponsor, de propriétaire ou parfois disparition, il est difficile de durer dans le vélo. C’est pourquoi l’on assiste à des évolutions parfois surprenantes, comme c’est le cas, ici, de la formation T-Mobile. Mastodonte allemand, la formation tout de rose vêtue a rassemblé tous les plus grands talents d’outre-Rhin, remportant même le Tour de France 1997, grâce à Jan Ullrich. Active et dominante jusqu’en 2007, l’équipe allemande a coulé à cause de plusieurs affaires de dopage, en même temps que son historique leader. Une aubaine pour la firme américaine High Road Sports, qui reprend la structure en 2008 et lance une nouvelle histoire, non moins glorieuse : grâce à son leader et tête d’affiche Mark Cavendish, High Road a régné d’une main de maître sur le Tour de France.
Histoire et palmarès : de meilleure équipe du monde à championne du sprint
Pourtant, cette glorieuse histoire part de loin. Sans bruit, alors que le cyclisme allemand se cherche, le Néerlandais Hennie Kuiper, champion du monde 1975, fonde sa formation en compagnie de l’entreprise de cycles Eddy Merckx en 1988. Basée aux alentours de Stuttgart, la formation prend d’abord le nom Stuttgart-Merckx-Gonsor, avant que d’autres marques allemandes telles Mercedes ou Puma ne s’ajoutent. Mais c’est avec l’arrivée de Telekom (ou Deutsche Telekom ou T-Mobile, selon les différentes appellations) en 1991 que l’équipe se pare de rose et de succès. En puisant dans le réservoir riche d’un pays tout juste réunifié, la T-Mobile a construit peu à peu sa légende. Avec ses jeunes pépites Erik Zabel et Jan Ullrich, elle écrit ses plus beaux succès lors de la fin des années 1990, remportant deux fois le Tour de France par Bjarn Riis (1996) et Ullrich (1997), qui reste encore, à ce jour, le seul Allemand vainqueur de la Grande Boucle.
Mais toutes ces fameuses victoires ne sont pas prises en compte dans notre classement des meilleures formations du 21e siècle. Si la T-Mobile a écrit sa légende surtout entre 1996 et 2000, elle n’en reste pas moins, de 2001 à 2004, l’une des meilleures équipes du monde. Emmenée par LE sprinteur du moment, Erik Zabel, elle remporte 22 victoires d’étapes sur les GT, le Tour de Suisse, Milan-San Remo, l’Amstel Gold Race, le Tour des Flandres ou encore Liège-Bastogne-Liège. Grâce à sa polyvalence, l’armée rose gagne sur tous les terrains. Si Jan Ullrich continue de jouer les premiers rôles sur les courses par étapes, il s’efface peu à peu, alors qu’Alexandre Vinokourov, Danilo Hondo, ou Andreas Klöden font partie des meilleurs dans leur catégorie. Au classement UCI, la T-Mobile termine trois fois sur le podium entre 2001 et 2004. Mais chaque belle histoire a une fin, et celle de la T-Mobile est particulièrement triste. Empêtrée dans les affaires de dopage, la formation disparaît, en 2008, suite au retrait de son sponsor historique.
C’est alors qu’High Road prend le relais, pour 4 saisons, en perpétuant la tradition du sprint. Avec 50 victoires d’étapes en GT, le collectif de Bob Stapleton est l’équipe la plus victorieuse des saisons 2008 et 2009 : Mark Cavendish, André Greipel, Tony Martin ou Edvald Boasson Hagen, tous collectionnent les bouquets. Mais cette hégémonie ne suffit pas, en 2011, à attirer de nouveaux sponsors. La T-Mobile – HTC-Columbia s’arrête après 524 succès depuis 2001, à la 6e place de notre classement.
Spécialité et philosophie : le sprint comme fil conducteur
Si la formation a traversé les saisons en changeant autant de coureurs que de sponsors, elle n’a pour autant pas touché à une partie de son identité : son amour pour le sprint. Depuis 2001, rares sont les sprinteurs qui ont été réellement dominants. Mais parmi eux, trois l’ont été au sein du collectif germano-américain : Erik Zabel, Mark Cavendish et André Greipel. Pour les deux premiers surtout, on peut dire qu’ils étaient, et durant plusieurs années, les meilleurs sprinteurs du monde. De 2000 à 2004, le natif de Berlin-Est a tout emporté sur son passage, finissant numéro 1 mondial UCI en 2001 et 2002. Idem pour le coureur de l’Île de Man, qui a littéralement marché sur le Tour de France durant quatre saisons, de 2008 à 2011. En véritable rouleau-compresseur, il a remporté 20 sprints sur les routes françaises et a terminé son engagement avec un incroyable titre mondial. Le troisième, recruté sous la T-Mobile en successeur de Zabel dans les origines et les cœurs, a lui aussi construit les bases de sa légende avec ses 6 premiers succès sur les Grands Tours, et 64 succès au total.
Si l’on ajoute Danilo Hondo, autre sprinteur performant du milieu des années 2000, on comprend bien que la T-Mobile devenue HTC-Columbia avait fait du sprint son terrain de chasse. Une stratégie payante qui lui vaut une place de choix dans notre classement.
Avec 71 coureurs d'origine allemande, la structure avait logiquement un ADN germanique, qu'elle a conservé durant ses années sous pavillon américain. A cette période, l'effectif était très international mais n'a vu que 9 coureurs américains en son sein alors que les Allemands étaient toujours les mieux représentés. Assez logique cependant vu la grande continuité dans l'effectif et le staff.
Zabel et Cavendish, les deux meilleurs sprinteurs du siècle
On associe souvent la T-Mobile à Jan Ullrich, Andreas Klöden voire Alexander Vinokourov, mais nos bornes chronologiques et notre barème ne nous permettent pas de les considérer comme les meilleurs coureurs de la formation T-Mobile – HTC-Columbia au 21e siècle. Le nom que l’on retient pour l’histoire allemande de la structure est donc celui d’Erik Zabel. Si, comme Ullrich, Zabel a remporté la majeure partie de ses victoires au 20e siècle, il est le véritable emblème de l’armée rose. Arrivé comme jeune espoir en 1993, il a quitté le collectif allemand fin 2005 comme pré-retraité. 13 saisons pleines de titres et de records : 5 maillots verts du Tour d’affilée, 3 Milan-San Remo, 3 maillots par points sur la Vuelta, entre autres. En plus de ses résultats, Zabel était le symbole parfait d’un ancien Allemand de l’Est roulant pour un sponsor de l’Ouest : une icône pour une Allemagne en quête d’unité et de modèles. Malgré la chute de la T-Mobile, il ne reste pas moins un champion qui a inspiré toute une génération de gagneurs, tels Greipel, son poulain, mais aussi Kittel ou Degenkolb. Un emblème.
Quant au performeur, faut-il vraiment rappeler le palmarès de Mark Cavendish ? Le Britannique est le seul sprinteur présent dans notre Top 10 des meilleurs coureurs du 21e siècle. S’il a poursuivi sa moisson de trophées chez Sky puis Deceuninck-Quickstep, c’est bien sous les couleurs jaune et blanc qu’il a été le plus dominant, écrasant tout sur son passage, excepté son très fidèle poisson-pilote Mark Renshaw. 70 victoires en 4 saisons, un chiffre qui frôle l’indécence et place définitivement son équipe dans la légende de son sport.
Nous n'oublions pas d'autres figures moins connues, telles que le germano-suisse Steffen Wesemann, qui a passé l'essentiel de sa carrière en rose, de 1993 à 2006, remportant notamment le Tour des Flandres en 2004. Bien évidemment, Ullrich ou Kloden, pour leurs performances sur les routes françaises ont marqué l'équipe mais leurs absence de succès au profit des places d'honneurs ne jouaient pas en leurs faveurs. Ce n'est pas le cas de Vinokourov, qui a gagné deux Paris-Nice ou la Doyenne sous le maillot rose, mais insuffisant face aux performances du Cav.
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