Personnage haut en grimaces, Thomas Voeckler a écrit ses lettres de noblesse sur le Tour de France, en remportant quatre étapes comme pur baroudeur. Parfois puncheur et grimpeur, il disposait de toute la filouterie nécessaire pour cumuler 21 victoires en échappée.
C’est l’histoire d’une grande gueule du peloton. D’un coureur à part, tant par son panache que sa grande gueule, qui a marqué à jamais de son empreinte l’histoire du Tour de France et du cyclisme français. D’un coureur qui a su, par son sens tactique et sa filouterie, repousser ses limites jusqu’à bousculer les plus grands coureurs du siècle. Alsacien de naissance et Vendéen d’adoption, Thomas Voeckler est une anomalie au 21e siècle. Baroudeur né, pour son caractère offensif et son refus de s’avouer vaincu, le disciple de Jean-René Bernaudeau est pourtant passé tout près d’un exploit qu’aucun autre baroudeur de notre classement n’aurait pu se permettre : un podium sur le Tour de France, en 2011, à la suite d’une véritable épopée. Une aventure qui commença, comme souvent, par une échappée au long court qu’il céda à un autre glorieux baroudeur, Luis Leon Sanchez.
Pourquoi lui ?
Il est impossible, pour un suiveur assidu du Tour de France, de ne pas avoir été marqué par Thomas Voeckler. A une époque où le cyclisme français tâtonnait, le public tricolore ne pouvait compter que sur les échappées pour rêver d’un succès d’un de ses compatriotes, pour flatter un certain chauvinisme bien connu au mois de juillet. Chaque année ou presque, un Français devenait héros de la nation le temps de quelques jours, en résistant au retour des cadors du peloton. Parmi ceux-là, Thomas Voeckler. Le coureur de Bouygues Telecom devenue Team Europcar a remporté, en pur baroudeur, quatre étapes sur la Grande Boucle, co-recordman de notre classement dans ce domaine.
Mais puisque le cyclisme ne se résume pas qu’au Tour de France, l’Alsacien a cumulé 40 succès durant ses 18 saisons de carrière. La moitié (21) au terme d’échappées remportées avec panache, comme la 5e étape du Tour du Pays-Basque en 2006, au nez et à la barbe (mais surtout au nez) de Jens Voigt, ou la 4e étape de Paris-Nice en 2011, lorsqu’il régla un groupe de 5 échappés tout en résistant au retour des sprinteurs pour 13 petites secondes. Bref, tout au long de l’année, et sur toutes les terres du cyclisme (il s’est imposé en France, en Italie, en Espagne et en Belgique), Voeckler a fait parler son talent de baroudeur pour se forger un solide palmarès. De quoi le placer sur le podium de notre classement.
Un hargneux tout-terrain
Maillot grand ouvert, grimaces le dévisageant, gémissements de hargne, déhanchements puissants sur son vélo et railleries en veux-tu en voilà. Cette image, aperçue plusieurs fois sur le Tour mais pas que, est bien celle que laissera Thomas Voeckler : celle d’un cycliste franc, régulièrement au bord de ses limites et prêt à tout pour gagner, quitte à y aller à l’intox. L’Alsacien était bien loin des visages fermés sans aucune émotion de certains coureurs, tels Chris Froome. On lisait en lui comme dans un livre ouvert, mais l’on était toujours surpris par ses coups malicieux. Mais son style débraillé ne serait rien sans un grand talent et une polyvalence certaine qui ont permis à Voeckler d’enquiller 40 victoires en carrière.
Car le leader de la Bouygues Telecom s’est très vite vu propulser sur le devant de la scène en portant pendant 10 jours le maillot jaune sur le Tour 2004, en plein cœur de la domination de Lance Armstrong. A l’époque, il avait su conserver son maillot sur tous les domaines : étapes vallonnées, moyenne montagne et également contre-la-montre par équipe. Bien plus qu’un simple baroudeur-rouleur, il avait des qualités certaines en montagne, mais surtout une abnégation hors du commun. Son Tour de France 2011 en témoigne : catapulté maillot jaune très tôt suite à une échappée au long court, Voeckler avait gardé sa tunique dorée pendant 10 jours, pour ne la lâcher qu’à trois jours de l’arrivée, résistant dans les Pyrénées avant de perdre pied lors de l’étape mythique de l’Alpes d’Huez. Parfois puncheur, parfois grimpeur, Voeckler était surtout un sacré bagarreur.
La belle échappée : 2012, l’apothéose
Si le Tour 2011 restera à jamais gravé dans les mémoires des Français avec la 4e place finale du leader du Team Europcar, le véritable chef-d’œuvre de l’Alsaço-vendéen eut lieu un an plus tard. Déjà vainqueur, en échappée, de la 10e étape, Voeckler se lance dans un groupe de 38 fuyards au départ de la 16e étape du Tour entre Pau et Bagnères-de-Luchon. Au programme : le Col d’Aubisque (HC), le Tourmalet (HC), le col d’Aspin (1ere cat.) et le col de Peyresourde (1er cat), dont le sommet, situé à 15 km de l’arrivée, précède une longue descente vers Bagnères-de-Luchon. Autant le dire, il s’agit de l’étape reine de cette Grande Boucle.
Parmi les 38 échappés, un plateau de roi : Vinokourov, Voigt, Kiryienka, Sorensen, Casar, pour ne citer qu’eux. Mais également Thomas Voeckler accompagné de son fidèle équiper Arashiro. Ce dernier mène un gros rythme dès l’Aubisque pour propulser son leader, qui passera en tête, devant Kessiakoff, avec qui il est à la lutte pour le maillot à pois. L’écrémage se fait rapidement, et Voeckler se retrouve avec Brice Feuillu à 80 km de l’arrivée, avant de le lâcher dans Peyresourde et de triompher seul. En plus de cette victoire de prestige, Voeckler passe en tête des 4 cols du jour, ce qui lui permet d’emmener le maillot à pois jusqu’à Paris. Un véritable chef-d’œuvre qui restera à jamais gravé dans la légende du Tour.
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