C'est un sujet clivant depuis de nombreuses semaines et qui génère beaucoup de débats. La présence de nombreux coureurs professionnels au départ des championnats d'Europe et du monde soulève plusieurs questions. Est-ce normal ? Est-ce équitable ? Y-a t-il une solution miracle ? On s'est penché sur la question pour essayer d'apporter notre modeste contribution sur un sujet qui divise.
Le contexte :
Avant toute chose, il est important de planter le décor. Pendant des années, les coureurs ne devenaient professionnels que sur le tard, rarement avant 22 ans. La catégorie espoirs, renommée U23 - afin de limiter l'accès aux coureurs de moins de 23 ans - est née pour permettre une transition entre la catégorie juniors et Pro, car la marche était trop haute. Elle avait donc vocation à être le tremplin final dans la formation d'un coureur vers le monde professionnel. Mais depuis plusieurs années, le cyclisme a changé. La volonté d'aller chercher les talents de plus en plus jeunes a entrainé le développement de la catégorie à travers la création d'équipes de développement pour les formations professionnelles. Le but étant de sécuriser les talents dans l'équipe et leur permettre de se développer en profitant d'un meilleur encadrement. Cette nouveauté récente, qui date de 2018, a facilité la progression des jeunes qui, à l'instar d'autres sports, sont maintenant à un très haut niveau beaucoup plus vite et beaucoup plus jeune.
Résultat, les meilleurs espoirs U23 ne sont plus dans la catégorie u23 mais signent très vite pro, à 21-20 voire 19 ou 18 ans !! Et on se retrouve avec des coureurs d'un niveau énorme, capables de gagner chez les pros de manière régulière, participer à un championnat du monde d'une catégorie dans laquelle ils n'ont pas mis les pieds de l'année. Ils étaient 17 en 2024 à prendre la place de coureurs qui toute l'année cravachent dans la catégorie Espoirs et espèrent représenter leur équipe nationale. De plus, en faisant partie d'équipes pros, souvent World Tour, ils ont accès à un meilleur matériel et le sentiment d'injustice est grand pour les jeunes qui, eux, ont fait toute la saison chez les Espoirs. De ce fait, la catégorie U23 ne semble plus en adéquation avec le cyclisme moderne et doit être réformée.
C'est ce qu'a exprimé David Lappartient vendredi, après la course des Championnat du Monde Espoir sur Direct Vélo via l'article de James Odvart :"La course d’hier n’est plus vraiment une course Espoirs comme on l’imaginait initialement, mais une véritable course de haut niveau”. Alors que faire, que changer ? “Le cyclisme évolue, ce n’est plus le même sport qu’il y a 30 ans et il faut s’adapter”.
La problématique : Comment réformer la catégorie Espoirs U23, en s'adaptant aux contraintes du cyclisme actuel ?
Déjà pour commencer, il y a un problème avec l'âge. Actuellement, on peut être espoir par deux biais : On est espoirs par l'âge, c'est à dire moins de 23 ans, et par l'équipe dans laquelle on est inscrit. Mais avec le cyclisme actuel, on se retrouve avec des coureurs qui ne remplissent plus qu'une seule des deux conditions. Au départ, il fallait cocher les deux cases dans l'esprit.
Quel est l'objectif d'un espoir ? Passer Pro. Peut-on être espoir si l'on est déjà pro et qu'on a réussi l'objectif d'un coureur de la catégorie espoir ? Non, en tout cas selon nous. Il faut donc solutionner ce problème. C'est un problème d'interprétation.
On peut voir sous le tweet ci-dessous d'Antoine Besson, qui nous partage sa vision, qu'il y a déjà deux analyses différentes. "U23 c'est une catégorie d'âge, pas de niveau". En fait, pour nous, ce n'est ni l'un ni l'autre et c'est également la vision de David Lappartient. C'est une question de division. Junior - Espoirs - Pro sont des divisions et l'âge maximum n'est qu'une limite.
Pour se faire, nous allons étudier les différentes propositions de réformes, formulées par des journalistes ou passionnés, qui ont tous de bonnes idées, avec des points forts et des points faibles et évidemment vous proposer la notre.
Les différentes propositions de réforme de la Catégorie Espoirs/ U23
Garder la catégorie U23 et ne rien changer : La première proposition, c'est donc de conserver le système actuel. Pour nous, c'est un non-sens pour les raisons que l'on a évoquées plus haut. Evolution du cyclisme, coureurs passant pro de plus en plus jeune. A l'instar d'un maillot blanc de 25 ans ou moins sur les GT qui n'a plus grand sens et devrait sans doute être réduit à 23 ans ou moins, conserver l'âge de 23 ans n'a pas grand sens pour nous. Alors évidemment, le contre-argument que l'on va entendre c'est : "mais ils ont 22 ans, on s'en fiche qu'ils soient pro ils ont l'âge pour faire le Mondial U23 ou la saison U23". Mais c'est tout le problème que l'on soulève. Donc il faut changer le règlement.
Point fort :
- Ouvert au plus grand nombre
Points faibles :
- Plus adapté
- Règlement trop flou
- Injustice pour les coureurs non pro
Garder U23 en âge maximum et interdire les coureurs pro, qui évoluent en WT et Pro Teams : Celle-ci est la première réflexion à avoir car elle met en lumière la problématique de départ. Pourquoi un coureur déjà pro participe à des courses espoirs ? Il faut voir le U23, non pas comme une autorisation à courir jusqu'à 23 ans quand il en a l'envie et la possibilité mais plutôt comme un âge maximum à ne pas dépasser, ce qui était l'idée de départ : un coureur de 24 ans passait soit pro soit passait en amateur. C'est la formule choisi pour les Mondiaux en 2025 par l'UCI.
Points forts :
- On laisse l'accès au de nombreux coureurs pas encore prêts à passer Pro, ce qui est possible à 22 ans.
- On écarte les coureurs déjà pro. Si ils sont pro, c'est qu'ils ont le niveau pour et donc restent dans leur catégorie.
Points faibles :
- Certaines équipes Pro Teams comme Bardiani n'ont pas d'équipe de développement et sont donc obligées, pour contrer ce système, de recruter des jeunes comme Pellizzari, avec la promesse qu'ils pourront participer à un double calendrier. Ce qui ne serait plus possible avec cette réforme et c'est pour nous un point crucial.
De notre opinion, si cette solution est intéressante, elle risque de tuer de nombreuses petites équipes pros.
Passer de U23 à U21 : Cette solution est la plus populaire dans le milieu du cyclisme, comme en atteste notre sondage.
D'ailleurs, c'est aussi ce que l'UCI envisage. Baisser l'âge maximum de la catégorie à 21 ans permettrait de réduire grandement le nombre de coureurs pros au championnat du monde et durant toute la saison de la catégorie Espoirs. C'est la volonté de l'UCI qui a bien ciblé la problématique : le championnat du Monde espoirs n'a rien d'Espoir. Mais cela permettrait aussi à plusieurs grands talents, extrêmement précoces comme Evenepoel ou Ayuso par le passé, de participer à ces courses s’ils le souhaitent. Imaginez Ayuso, 19 ans, 3e de la Vuelta, participer au Mondial U21 ? Est ce que cela serait cohérent ? Probablement pas car le problème n'est pas l'âge ou le talent mais la catégorie dans laquelle on se positionne, encore une fois, en début de saison.
Points forts :
- U21 est plus approprié au cyclisme actuel
- Ecarterait du décor de nombreux coureurs déjà pro qui n'ont rien à faire là
- Laisserait donc plus de chances aux coureurs actuellement dans la catégorie espoirs
Points faibles :
- Quid des coureurs qui évoluent sur le tard, à 21, 22 ou 23 ans, et qui n'auraient plus leur place dans la catégorie ? Ils seraient laissés pour compte. Dommage car tout le monde n'a pas la même évolution et maturité physique.
Notre avis sur cette solution c'est qu'elle n'est pas mauvaise mais incomplète. On n’est pas contre mais on aimerait faire différemment. Et puis se limiter à 20 ans max, cela exclut beaucoup de coureurs.
Passer en U21 et exclure les équipes WT : On va encore plus loin que la limite d'âge. C'est globalement la même réflexion que l'idée juste au-dessus mais en excluant les coureurs WT. Pourquoi ? Parce qu'on ne veut pas d'un Ayuso sur le mondial Espoir. Ou d'un Pogacar qui gagne le TDF à 21ans. Evidemment ces coureurs préféreront viser le titre Elite mais les coureurs juste en-dessous, comme Del Toro, 20 ans, vont vouloir se rabattre sur la course Espoirs puisqu'ils en auraient le droit, alors qu'ils ont fait toute la saison chez les pro et même participé à un GT.
Points forts :
- U21 est plus approprié au cyclisme actuel
- Ecarte tous les coureurs en capacité de faire les plus grandes courses du monde
- Laisse toutes les chances aux autres
Points faibles :
- Quid des coureurs comme Seixas, 18 ans arrivant en pro ? (Mais personnellement on a envie de dire qu'il n'avait qu'à faire une saison chez les Espoirs, cela aurait été bien plus logique dans sa formation. C'est un choix qu'il fait. Enfin lui ou son équipe, mais dans ce cas c'est un choix à assumer jusqu'au bout.
- Quid des coureurs qui évoluent sur le tard, à 21, 22 ou 23 ans, et qui n'auraient plus leur place dans la catégorie ? Ils seraient laissés pour compte. Behrens, espoirs et champion du Monde espoirs 2024 n’aurait pas eu le droit de faire le mondial et concourir dans cette catégorie. Dommage car tout le monde n'a pas la même évolution et maturité physique.
Pour nous, cette idée est peut être la meilleure des quatre, s’il fallait vite prendre une décision. Mais le problème est plus global et c'est pour cela que notre proposition sera différente.
Après réflexions et en prenant toutes ces idées, elles sont toutes basées sur l'âge avant tout. Pour nous, ce n'est pas la solution... Il faut mettre tout le monde dans des cases claire pour éviter que le règlement soit contourné comme c'est le cas actuellement. Il faut se baser sur trois divisions Juniors - Espoirs - Pro et rajouter une limite d'âge maximum, qui n'est pas la base du règlement et qui peut être 21 ans mais on aimerait plutôt 22 ans.
La Proposition de Vélofuté :
Notre proposition est une proposition globale, puisqu'il n'est pas possible de toucher à la catégorie Espoirs sans faire de même avec celle des Juniors, par soucis de cohérence.
La catégorie reste nommée Juniors. Les courses Juniors sont réservées aux coureurs débutant la saison dans la catégorie Juniors. Et le championnat du Monde Juniors vient récompenser ceux qui sont, au départ, dans une équipe Juniors. On rajoute un âge maximum. Après 19 ans, le coureur est obligé de passer dans la catégorie Espoir. La catégorie est donc réservée aux coureurs de 16 à 18 ans révolus. Il est possible de faire deux saisons en juniors.
Renommer la catégorie "Espoirs". Les courses Espoirs sont réservées aux coureurs appartenant à une équipe de la catégorie Espoirs. Cela inclut les équipes développement. Les Championnats du Monde Espoirs viennent récompenser un coureur appartenant à cette catégorie Espoirs. Un coureur étant Pro, il ne peut pas y participer puisqu'il a le niveau de la catégorie supérieure, celle de l'Elite. Si il y est, c'est qu'il a le niveau. Si il veut participer à des courses Espoirs, il n'a qu'à rester en Espoirs. La catégorie Espoirs est ouverte à tous les âges jusqu'à 22 ans, y compris les coureurs ayant l'âge d'un junior. Il est possible, si l'on entre tôt chez les espoirs de faire jusqu'à trois saisons.
Est autorisé, afin de faciliter la transition vers le monde pro, qu'un coureur Espoir découvre le monde pro à travers quelques courses Continental (donc pas de Pro Series ou WT) tant que le nombre de jours de courses Pro est strictement inférieur au nombre de jours de course dans la catégorie Espoirs. A ceux qui disent que c'est injuste car les coureurs des équipes de développement sont avantagés par rapport aux autres. C'est comme chez les Pro. Un coureur UAE a un meilleur matériel qu'un coureur Cofidis. C'est quelque chose sur lequel on ne peut pas intervenir. C'est une injustice qui existe à tous les étages du sport et qu'on peut difficilement maitriser. C'est toujours mieux qu'un coureur qui court avec les pros, s'entraine avec les pros et utilise un matériel de pro face un simple coureur espoir qui vient concourir dans la catégorie dans laquelle il est inscrit depuis le début de saison et se retrouve face à des adversaires contre qui il n'a pas couru.
Il reste le problème d'équipes Pro Teams comme Bardiani, qui n'ont pas d'équipes de développement. En vérité, il reste de nombreuses courses Continental, comme le Tour d'Alsace, la Flèche du Sud ou encore le Tour de Fruilli remporté par Nordhagen, et d'autres courses 2.2 ouvertes à tous, y compris les équipes Espoirs, mais pas aux équipes WT durant la saison. Ces épreuves permettent aux coureurs Pro Teams de se développer et affronter des coureurs de la catégorie Espoirs pour se mesurer à eux. On a conscience que tout n'est pas parfait et qu'il faut de l'adaptation mais il n'y a à priori pas de solutions parfaites. Et pour les mondiaux, nous proposons une dérogations pour les équipes sans équipes de développement. Cela n'a rien de compliqué et cela permet de ne pas défavoriser ces modestes équipes professionnelles et leurs coureurs, tant qu'ils n'ont pas plus de 21 ans.
Enfin, l'idée est de développer un classement Espoir, à l'instar du classement Juniors ou Pro pour que cette catégorie soit une vrai division. Les courses prises en compte serait uniquement celle dédiées aux Espoirs, aujourd'hui appelé U23 comme Il Lombardia U23.
Enfin, la catégorie professionnelle, avec les équipes WT et Pro Teams, accueillent tous les coureurs, de tous les âges. Le Champion du Monde est le champion Elite. Simplement, un coureur de 17 ans ou 18 ans doit faire une croix sur les courses de catégorie inférieure. Si il est surclassé, c'est qu'il en a le niveau. Si cela peut éviter de faire monter en pro des coureurs pour des mauvaises raisons comme celle de le conserver à tout prix au risque de le cramer, qu'il en soit ainsi. Mais que faire des coureurs de 22 ans et 23 ans? Les courses amateurs restent suivie par les recruteurs. Elles ont aussi la possibilité de pas de participer à des courses .1 et .2 ce qui est intéressant en terme de compétitivité pour un jeune. Et cela permettrait de valoriser les équipes "amateurs" de la 3e division, Continental.
Voici donc notre proposition. Il n'est ici pas question d'avoir raison ou tort. On ne dit pas que les propositions des autres sont fausses et qu'ils ont tort. On ne saura que dans 10 ans quel choix était le bon. Et il est possible que dans 15 ans, le règlement soit obligé d'être encore modifié car le monde évolue et qu'il est primordial que le cyclisme évolue avec. L'important est surtout d'essayer de comprendre les enjeux, se poser les bonnes questions et répondre dans le mile pour que la nouvelle réglementation soit adaptée aux contraintes actuelles. C'est ce qu'on espère avoir fait.
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