Si le cyclisme est en plein bouleversement, toutes les équipes ne sont pas logées à la même enseigne en termes de stabilité. La structure actionnariale des entités a une grande influence sur leur pérennité. Panorama des actionnariats des principales équipes du peloton.
Alors que le feuilleton autour de la possible fusion-acquisition de Soudal-QuickStep par Jumbo-Visma régit la fin de saison, le modèle économique du cyclisme revient sur le devant de la scène. Les équipes professionnelles ne doivent leur existence qu’aux investissements des sponsors et font face aux difficultés d’en attirer de nouveaux, face à l’inflation des prix. La potentielle reprise de la structure fondée par Patrick Lefévère a mis en avant sa structure actionnariale : le patron belge détient 20% de Decolef Lux SARL, l’entité juridique de la Soudal-QuickStep, alors que l’homme d’affaires Zdenek Bakala détient les 80% restants. S’agit-il d’un cas unique ? Qui sont les propriétaires des équipes cyclistes ? Nous avons enquêté et analysé les structures actionnariales des équipes WT et de certaines Pro Tour.
Si les informations complètes ne sont pas disponibles pour toutes les équipes, nous avons pu collecté les données clés pour la plupart d’entre elles. Ce qui permet de classer les équipes en trois grandes catégories selon leur structure actionnariale :
Les structures détenues par les sponsors titres de l’équipe
Les structures détenues par la direction de l’équipe (un ou plusieurs individus)
Les structures détenues par des personnes tierces (investisseurs, mécènes ou autres)
Il est intéressant de bien comprendre l’importance du type d’actionnariat pour une équipe cycliste. Une équipe détenue par les sponsors titres dispose d’une plus grande stabilité économique puisqu’elle est supportée par le poids d’un ou de plusieurs groupes importants. Ces groupes investissent sur le long voire très long terme et se veulent comme un partenaire pérenne du cyclisme. C’est le cas d’AG2R, Groupama-FDJ ou encore Ineos. Cela peut aller même plus loin avec Uno-X, Cofidis ou EF Education dont l’équipe cycliste est partie intégrante de l’entreprise. On inclut dans cette catégorie les équipes détenues par des entités étatiques, dont la stabilité est tout aussi solide, tant la stratégie de nation branding s’inscrit sur le long terme. En revanche, les possibilités d’augmentation de budget sont a priori plus limitées, puisque le groupe sponsor alloue généralement un budget précis à l’équipe et dispose de peu de marge de manœuvre pour revoir les ambitions à la hausse.
Ce qui est le cas pour les structures détenues à la fois par un ou plusieurs membres de la direction ou par des personnes tierces. Ces équipes peuvent démarcher les sponsors à tout moment et sont relativement libres de modifier les partenariats. En revanche, la stabilité économique est tout autre. Les contrats de sponsoring sont conclus sur une période donnée, et si un sponsor ne souhaite pas reconduire le bail, il faut le remplacer. C’est justement ce cas de figure qui a entrainé la disparition de B&B Hotels KTM l’an passé, ou qui pousse Jumbo-Visma à remuer ciel et terre pour remplacer la chaîne de supermarché néerlandaise.
En revanche, là où une personne tierce comme Zdenek Bakala est dans une logique de réaliser une plus-value sur la revente en investissant dans une équipe, les directeurs ou fondateurs engagent bien plus que leur énergie dans leur formation, qui devient leur œuvre voire leur « petit bébé ». Ils se dévouent jusqu’au dernier moment pour faire vivre leur équipe, à l’image, visiblement, de Patrick Lefévère. Mais dans les trois cas de figure, les formations cyclistes mêmes les plus riches existent grâce à des entreprises (ou États) qui investissent pour diverses raisons (image, publicité, nation branding ou greenwashing), et non pas grâce à des revenus plus structurels comme la billetterie ou les droits télévisuels. Un équilibre précaire sur lequel les instances devraient travailler pour protéger le sport cycliste.
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