Volonté de l’UCI pour professionnaliser le cyclisme, l’émergence des équipes de développement donne lieu à des stratégies différentes parmi les formations du peloton mondial. Analyse.
En levant les bras en haut du mur de Huy pour s’adjuger la Flèche Wallonne 2020, Marc Hirschi n’a pas seulement remporté la plus grande victoire de sa jeune carrière. A 22 ans et après avoir terminé meilleur combatif du Tour de France, le Suisse consacrait également un modèle et une stratégie, celle du Team Sunweb. Alors qu’on lui prédisait une année difficile après le départ de Tom Dumoulin, la formation allemande a fait le pari de la jeunesse pour grapiller des points et des victoires. Un pari gagnant, notamment grâce au prodige suisse, mais qui n’est pas dû au hasard. L’équipe World Tour s’appuie sur son centre de formation et son équipe continentale, le Development Team Sunweb, créé en 2017. « L’objectif est de fournir des ressources supplémentaires à notre effectif professionnel, en formant et préparant nos coureurs à tous les aspects fondamentaux de la course de haut niveau », nous explique Sebastian Deckert, entraîneur du Team Sunweb et en charge du Team Development jusqu’en 2019. Une équipe dont est issue Marc Hirschi, pensionnaire en 2018, mais aussi Niels Eekohff, Max Kanter et Florian Stork, passés pro cette saison. « Sur les 31 coureurs de l’équipe pro en 2021, 8 sont passés par notre programme de développement », se réjouit Sebastian Deckert.
Un chiffre significatif pour un sport où il n’est pas possible de payer des indemnités de transfert pour recruter de nouveaux coureurs. C’est d’ailleurs avec cette idée de stabiliser économiquement les équipes que l’Union Cycliste Internationale voulait réformer le cyclisme professionnel au début des années 2010. Dans un document dévoilé en 2013, l’organisation prévoyait une réorganisation des formations World Tour, qui devaient créer une équipe A de 22 coureurs et une équipe B de 8 à 10 coureurs, dite « équipe de développement ». « Cet aspect de la réforme n’a pas pu aller au bout, car certaines équipes étaient trop instables pour se le permettre », avoue Sebastian Deckert. « Avoir une structure de développement n’est pas obligatoire, mais c’est fortement recommandé par l’UCI », nuance de son côté Zak Dempster, directeur sportif de l’Israel Cycling Academy, structure de la formation World Tour Israel Start-Up Nation.
Entre équipes de développement et centres de formation
Si cette volonté de professionnalisation ne s’est pas retranscrite dans le règlement, de nombreuses formations se sont lancé dans l’exercice. Sur les 19 formations World Tour engagées en 2020, six* d’entre elles avaient une équipe inscrite sur le circuit continental, quand d’autres disposent d’un centre de formation, comme AG2R-Citroën Team avec Chambéry Cyclisme Formation, ou d’un Team development de niveau national voire régional, comme Bora-Hansgrohe avec le Team Auto Eder Bayern. Les modèles diffèrent, mais l’objectif reste le même : dénicher et former les futurs membres du peloton professionnel. « Nous sommes nouveaux sur le World Tour, mais nous avons vite créé une académie devenue une équipe continentale », explique Zak Dempster. « On s’inspire des autres formations et l’objectif est de former au mieux des jeunes U23 pour que le plus grand nombre intègre notre effectif professionnel par la suite », poursuit l’ancien sprinteur australien. Les formations continentales ont un budget compris entre 250 000 et 1,5 million d’euros, ce qui représente un investissement conséquent pour les équipes World Tour. Mais c’est parfois nécessaire pour rivaliser avec les meilleures équipes. Chez AG2R, cela s’avère encore plus vrai. Si l’équipe de Vincent Lavenue ne dispose pas d’une succursale continentale, le Chambéry Cyclisme Formation est un modèle en matière de centre de formation cycliste.
Créé au début des années 2000, le CCF vient de fournir, avec la signature de Nicolas Prudhomme, un 20e coureur à l’effectif pro, après les réussites Romain Bardet, Pierre Latour, Benoît Cosnefroy ou Clément Champoussin. « Le CCF est précurseur en termes de formation et se distingue par une unité de lieu pour les coureurs : tout se passe à Chambéry. Ils ont tout sur place : logement, nutrition et ils profitent de s’entrainer ensemble. Cela crée une véritable cohésion de groupe. L’autre particularité, c’est qu’ils doivent tous avoir un double projet : CCF et scolaire », raconte Antoine Simon, responsable communication et marketing du CCF. Un aspect scolaire voire universitaire (le niveau d’études moyen est de Bac+2) particulièrement mis en avant au CCF.
Apprendre pour gagner chez les professionnels
Cependant, l’objectif originel des centres de formation est de dénicher la perle rare. Et pour cela, des structures de plus en plus professionnelles se mettent en place. « Nous avons des partenariats avec l’équipe U19 Van Rysel et le Chambéry Cyclisme Compétition, mais aussi un grand réseau d’observateurs disséminé sur la planète avec des remontées d’information sur les jeunes talents », confie Antoine Simon. Même modèle chez Sunweb, avec « un département de scouts très connectés et présents à de nombreuses courses U19 de niveau régional et national », se targue Sebastian Deckert.
Repérer donc, avant de polir ces talents. « Il faut créer un environnement propice au développement des jeunes coureurs, pour qu’ils apprennent à devenir professionnels en assimilant des compétences mais aussi un état d’esprit », résume Dempster. « La formation est un véritable processus, on veut que nos coureurs apprennent physiquement et tactiquement auprès de notre structure pro, accumulent le plus d’expérience lors des courses du circuit continental, sans forcément viser les succès en U23, car le plus important, c’est qu’ils atteignent leur prime une fois chez les pro », conclue Deckert. Apprendre pour ensuite gagner chez les pros, telle est la logique des équipes de développement. Et Marc Hirschi, notamment, l’a bien assimilée.
*CCC Development Team, Development Team Sunweb, Groupama-FDJ, Israel Cycling Academy, Jumbo-Visma Development Team et NTT Continental Cycling Team.
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