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Jens Haugland (Uno-X) : « Créer un écosystème scandinave de coureurs »

Invitée pour la première fois sur le prochain Tour de France, la formation norvégienne Uno-X est récompensée pour sa progression constante depuis 2017. A sa tête, Jens Haugland, également directeur de l'entité norvégienne d'Uno-X, ne manque pas d’ambition. Entretien.

Tout d’abord, félicitations pour la sélection pour le prochain Tour de France. Est-ce un accomplissement ou une simple étape dans votre projet ?

Je dirais les deux. Vous imaginez ? Nous sommes la première équipe scandinave sélectionnée pour le Tour de France et le Tour de France Femmes, la même saison. C’est un énorme accomplissement pour le cyclisme norvégien et scandinave. Mais ce n’est pas une finalité. Je ne pense pas que nous sommes invités car nous sommes sympa, mais parce que nous avons une bonne équipe, et nous voulons continuer à la développer. Et pour cela, nous devons affronter les meilleurs.


Votre équipe n’a que 6 ans (créée en 2017, ndlr), c’est un développement très rapide. Comment l’expliquez-vous ?

Ces 6 années étaient extrêmement intenses. Nous avons commencé en tant que Conti, et nous avons grandi. Nous avons une philosophie et une identité marquées, avec uniquement des coureurs norvégiens et danois. Mais nous avons un gros avantage, c’est que nous ne sommes pas le sponsor de l’équipe, nous avons créé l’équipe au sein même de notre entreprise. Cela nous permet d’aller plus vite en termes de prise de décision, de structuration et d’organisation. Le cyclisme est très complexe, une partie du business est de signer des coureurs, mais la partie la plus difficile est de s’assurer d’avoir le bon management, le bon staff et le bon équipement.


Justement, vous n’êtes pas seulement le directeur de l’équipe cycliste, vous êtes aussi le directeur d’Uno-X Norvège*. C’est atypique en cyclisme, comment est né ce projet ?

La stratégie de notre entreprise est de promouvoir notre marque via le cyclisme. Notre business fait partie du vieux monde, en vendant de l’essence aux entreprises de transport. Mais en même temps, nous faisons partie du changement : nous avons investi massivement dans les bornes recharges électriques et le carwash éco-responsables. Et nous utilisons le cyclisme pour promouvoir cette transition écologique. Nous savons que la façon dont nous gagnons de l’argent aujourd’hui ne sera plus la même dans 10 ans. Le cyclisme est unique pour promouvoir ce message, dans le sens où vous donnez le nom de votre entreprise à votre équipe. Quiconque parle de notre équipe parle forcément de Uno-X. C’est un succès pour nous jusqu’à présent et nous voyons vraiment sur le long terme.


Quels sont donc vos objectifs concrets à moyen et long terme ?

D’abord, participer au Tour de France ! (Rires). Maintenant que c’est le cas, nous n’y allons pas pour aller dans les échappées, mais vraiment pour gagner une étape. Nous avons aussi une belle saison de classiques à venir, donc les objectifs ne manquent pas. Sur le long terme, je pense que nous avons un superbe vivier de talents en Scandinavie pour gagner de grandes courses. Le meilleur exemple est Jonas Vingegaard qui a gagné le Tour de France avec Jumbo-Visma. Tout est possible si l’on reste patient avec une vision à long terme et que l’on reste dans notre philosophie. Enfin, nous entrons dans un nouveau cycle de trois ans du classement UCI, et parvenir au niveau World Tour est un objectif très clair pour nous à horizon 2025.


La Norvège et le Danemark sont des nations de cyclisme très prometteuses, comment l’expliquez-vous ?

Ce sont deux pays différents, pour le Danemark c’est un pays très plat et très facile à parcourir en vélo, donc c’est ancré dans la culture du pays. En Norvège, c’est différent. L’histoire a vraiment commencé dans les années 2000 avec Thor Hushovd chez Crédit Agricole puis Edvald Boassen Hagen, puis Alexander Kristoff. Ces coureurs ont créé un véritable momentum pour le développement des talents en Norvège et aussi au Danemark. Nous avons des clubs bien structurés, et cela va aider à poursuivre ce développement des talents.


Si vous atteignez le World Tour fin 2025, allez-vous persister dans votre modèle 100% scandinave, ou allez-vous élargir les nationalités, par souci de compétitivité ?

C’est une question d’agent, tous les agents me posent cette question pour placer leurs coureurs chez nous (rires). Pour être très clair, notre identité est la priorité, et nous n’allons pas changer. Je ne vois aucune raison de déroger à cette identité.


Comment organisez-vous votre stratégie de scouting ? Vous êtes devenu une perspective pour de nombreux coureurs, encore faut-il pouvoir les repérer et les attirer avant les autres.

C’est un secret, je ne peux pas tout vous dire (rires). Plus sérieusement, la Norvège et le Danemark sont nos marchés cœur. Je pense que nous connaissons tous les talents de 14 à 17 ans dans ces pays, et bien sûr ils sont tous liés à une école ou un club que nous connaissons. Nous sponsorisons de nombreux clubs et de nombreuses écoles, ainsi que de la fédération de cyclisme. C’est un système très intégré, nous faisons en sorte de soutenir le développement des plus jeunes et j’ai de nombreux entraîneurs-scouts qui observent les talents. Nous savons que c’est un travail de long terme et pour moi c’est important de rappeler que nous voulons être patient. On ne va pas trouver plusieurs Tadej Pogacar n’importe où, nous ne pouvons pas en faire un exemple de notre modèle.


Vous misez énormément sur la jeunesse, avec votre propre équipe de développement, ce qui est rare pour une Pro Team. Quelle est votre stratégie pour conserver ces talents et ne pas les laisser filer vers les meilleures équipes ?

C’est un véritable challenge. Une partie de la réponse est évidemment l’argent et les salaires, donc nous devons devenir plus robuste financièrement. Mais en même temps, il nous faut accepter notre position dans le peloton. Je ne vois pas comme un échec de voir un talent partir pour rejoindre une autre équipe. Peut-être que je serai capable de le récupérer à l’avenir, qui sait ? En fait, je veux créer un écosystème scandinave de coureurs cyclistes, et s’ils peuvent prendre de l’expérience autre part, tant mieux. Si vous regardez les coureurs danois et norvégiens du peloton, ils ne sont pas seulement chez Uno-X, mais dans de nombreuses équipes. Je ne me soucie pas vraiment de ce phénomène.


D’un autre côté, vous êtes capable de recruter Alexander Kristoff, top 10 à l’UCI l’an passé malgré ses 35 ans.

Oui et il ne vient pas chez nous en pré-retraite, il vient ici pour gagner et continuer de jouer les premiers rôles. Il veut atteindre les 100 victoires en carrière (86 début 2023, ndlr) et gagner sur le Tour de France. Et imaginez aussi ce que cela représente pour nos jeunes coureurs de s’entraîner tous les jours avec un coureur du niveau et du professionnalisme d’Alexander Kristoff ? C’est unique et nous sommes très fiers de l’avoir avec nous.


Dans votre effectif, vous comptez de nombreux jeunes très prometteurs, pour les courses à étapes et les classiques. Mais peu de sprinteurs finalement, qui est une spécialité en Norvège. Comment l’expliquez-vous ?

C’est vrai, même si nous avons Soren Waerenskjold, qui a fait 3e des Mondiaux U23 l’an passé, ainsi que Kristoff qui est un très bon sprinteur de petit groupe. Mais effectivement, on ne peut pas être bon partout et nous devons prioriser les domaines dans lesquels on veut performer. Notre objectif est de créer un groupe très fort sur les courses par étapes, et un autre sur les classiques. Nous serions très heureux d’y arriver.


Quels seront vos objectifs sur le Tour de France ? Visez-vous seulement la victoire d’étape, ou également un bon classement général avec Tobias Halland Johannessen ?

Nous voulons surtout une victoire d’étape. Nous n’y allons pas pour le général. Je suis convaincu que si Tobias est régulier sur les 3 semaines, il peut jouer le top 10 du général comme il l’a montré au Dauphiné et en Catalogne. Mais je ne veux pas mettre cette pression sur lui. Notre objectif reste la victoire d’étape.


Et sur les Flandriennes ?

Si on obtient un podium sur une des classiques WT… Ce serait formidable. Mais il faut d’abord être invité à ces courses !


C’est très ambitieux !

Oui, mais ce projet n’est pas fait de gens sans ambition (rires).


Que préfériez-vous : gagner une étape du Tour, ou remporter le général du Tour de Norvège ou de l’Artic Race of Norway ?

Aïe aïe aïe… On a déjà gagné des étapes sur ces deux courses chez nous, mais pas le général effectivement. Mais vous ne pouvez rien comparer au Tour. Si on gagne une étape du Tour, je vais boire du champagne pendant une semaine !


*Uno-X Mobility est une société norvégienne de fourniture de carburants. Présente également au Danemark, elle possède plus de 800 stations-service et propose d'autres services associés. En 2021, la société a réalisé un chiffre d'affaires de près de 1,3 milliard d'euros.

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