Passionné par son métier, mais surtout par la discipline qu'il commente, le journaliste grimpeur Nicolas Geay nous a accordé du temps pour échanger sur son amour des cols. Grand sportif, il évoque avec humilité comment il en est arrivé à écrire ses tomes "Cols de Légende" qui font le bonheur de tous les cyclos. Rencontre avec un homme charmant et accueillant qui nous a marqué par sa bienveillance.
📸Crédit par Pascal Coic
Vous faites partie des voix les plus connues du cyclisme en France, notamment sur France TV : piste, route mais aussi Triathlon. Comment êtes-vous tombé dans le cyclisme ?
Je suis tombé dans le vélo quand j’étais gamin. A l’époque je suivais surtout pour LeMond, Hinault, les grands noms. Mais je me suis pris de passion pour le Tour de France sur le tard. J'ai surtout basculé à l’époque de Richard Virenque, dans les années 90 – 2000. J’ai été vraiment passionné par ce sport, surtout en tant que téléspectateur. Par ailleurs, je me suis mis au vélo par hasard car j’étais plutôt foot et tennis à la base. Pendant mes études, au Lycée de Compiègne, on avait une épreuve de contre-la-montre de 40km au Bac. Il fallait s’entrainer. On devait faire 40km à 30km/h de moyenne pour avoir 20 ! Je me suis énormément entrainé pour y arriver. L’année d’après, j’ai intégré une classe préparatoire et j’ai continué à m’entrainer. Je me suis mis en compétition réellement lorsque j’étais à Sciences Po à Grenoble, en vélo puis en triathlon à la fin de mes études. Qui dit triathlon dit forcément beaucoup de cyclisme. D’ailleurs, c’est ce que je préférais et j’ai donc roulé.
C’est à Grenoble que l’amour des cols est né ?
Et non ! Je n’ai pas monté beaucoup de cols. J’ai du faire Chamrousse et Col de Porte, mais pas tant de cols que ça. C’est surtout venu un peu plus tard lors d’entraînements pour faire le triathlon d’Embrun que ma passion est arrivée. J’ai « mangé » du col, Izoard, Alpe d’Huez ! Je me suis dit que c’était sacrément costaud et une autre façon de pédaler. Je ne suis pas un grimpeur mais je suis tombé littéralement amoureux. J’étais fasciné. Puis cela s’est développé encore plus avec les recos des cols pour France TV avec Thomas Voeckler, Cédric Vasseur et Marion Rousse. J’essaie d’avoir une autre vision que mes confrères journalistes qui font un excellent travail et de raconter les cols autrement. J’apporte une vision cyclo. Pour moi aimer le vélo, c’est d’abord en faire, mais sans me prendre pour un champion.
Comment est venue cette idée de reconnaissance de cols ?
J’ai proposé de grimper les cols pour les voir autrement et traiter le sujet de manière différente. J’ai la chance d’avoir suivi beaucoup de grands coureurs comme Pinot, Bardet ou Contador, derrière la moto ou en reconnaissances. J’étais époustouflé par les lieux, cela me donnait l’envie de grimper. Je me suis dit également que ça serait pas mal d’avoir nos consultants qui les grimpent et donnent leur avis. Je ne souhaitais pas les laisser seuls alors j’ai proposé de le faire avec eux. Déjà, en 2004, Henri Sannier m’avait demandé de monter l’Alpe d’Huez pour interviewer les spectateurs, notamment les Néerlandais dans le virage des Hollandais. Cela s’est fait comme ça.
C’est ce qui vous a donné l’envie d’écrire les livres « Cols de Légende » ?
Oui, l’idée du livre est venue comme ça. Je me suis dit pourquoi ne pas partager mes plus belles reconnaissances de cols. J’ai proposé l’idée au Directeur d’Amphora Renaud Dubois qui a suivi le projet. J’ai la chance de faire le tour du monde avec mon travail. Quand je pars en reportage, je cours à droite à gauche. Je me suis dit que je pourrais raconter mes sorties de courses à pieds, mes plus beaux spots de natation ou les ascensions. C’est ce dernier point qui me paraissait le plus intéressant. L’objectif, c’est donner envie aux personnes d’enfourcher le vélo et d’aller gravir les cols. La plus belle des récompenses c’est quand on me dit qu’on a découvert un col grâce à moi ou quand j’entends me dire « tu m’as donné envie de me remettre au vélo ». Et puis le fait de les avoir grimpés, me permet de mieux en parler. Je ne me voyais pas écrire sur les cols sans avoir éprouvé le truc.
Un tome 3 est-il attendu ?
Non pas encore, pour ne rien cacher je n’ai rien prévu. Quand on a réalisé le premier, on ne pensait pas faire un second. Quand on a fait le second, on pensait pas faire un troisième ! Avec du recul, je me disais que c’était dommage de ne pas avoir mis certains cols dans le premier, comme le Port de Balès. Et il y en avait d’autres. J’avais eu des retours de lecteurs ou des suiveurs sur les réseaux qui m’avaient dit de rajouter tel ou tel col. Cela m’a poussé à faire le second. Mais c’est énormément de travail, de temps, d’investissement. Il faut travailler les profils, écrire les articles, monter les interviews, s’entrainer pour les monter, aller sur place, faire les recherches sur l’histoire des cols. Mais pourquoi pas ? Je n’ai toujours pas mis la Madeleine, donc...
Vous avez fait plusieurs cols mais y’en a-t-il un que vous rêvez de grimper ?
Oui, récemment j’ai découvert un col après avoir lu des articles dessus. Il s’agit du col du Sabot au-dessus de Vaujany. Je ne le connaissais pas du tout. Il semble très dur et très beau (15km à 9%, ndlr). J’aimerais bien le faire. Je ne l’ai découvert qu’après la réalisation du second tome « Cols de Légende 2 », mais il aurait pu y être !
Parmi ceux que vous avez grimpé, lesquels vous semble les plus durs ?
Ah bonne question. (Il hésite). J’en citerai deux en priorité sur le second tome des « Cols de Légende ». Le col Agnel et Artzamendi sont les deux plus durs et un sur le premier livre que j’ai écrit : le Mont du Chat. Agnel je l’ai trouvé vraiment terrible et complètement mésestimé. Il a été au programme du Tour de France mais il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Surtout le versant italien. Il est le troisième plus haut col routier des Alpes, c’est dire l’importance de l’altitude à plus de 2700m. Les 10 derniers kilomètres sont à 10%. J’ai énormément souffert. Quand tu es en haut, tu as un sentiment incroyable au même titre qu’un Galibier, une Bonnette ou un Iseran. En revanche Artzamendi est bien plus méconnu donc il ne rentre pas autant dans la légende qu’Agnel. Mais ce col basque est un truc de fou avec les 4 derniers km à 12%. J’ai échangé sur les réseaux avec Mickaël Chérel, qui était d’accord pour dire que c’était le pus dur qu’il ait grimpé en France. Un col extrême ! Je suis impatient de le voir sur le Tour, mais cette année en début de parcours, cela aurait créé des écarts trop importants.
Quels cols mythiques conseilleriez-vous pour les cyclistes « débutants » afin d’expérimenter une ascension ?
Je ne parlerais pas de « cols mythiques" car ils ne le sont pas mais en quelques sortes ils sont légendaires de beauté. Le col de la Cayolle et le Col de la Madone sont abordables. Ils sont très beaux, tout particulièrement la Cayolle qui est d’une splendeur absolue.
Plus mythique, le col d’Aspin et la Hourquette d’Ancizan sont abordables eux aussi. Quand je dis cela, il faut quand même compter 1000-1500km dans les jambes pour espérer ne pas trop souffrir. Je pourrais citer également la Bonnette, qui est fantastique. Pas très pentu mais très long !
Vous nous parlez de beauté, justement quels sont les plus beaux à vos yeux ?
Il y en a plusieurs ! La Cayolle je le mets forcément. Je peux citer le cirque de Troumouse, le Port de Balès versant Mauléon, Gavarnie et son col de Tentes. D’ailleurs, c’est ce que je mets plus en avant dans mon livre. J’ai eu des retours sur les réseaux sociaux comme quoi tous les cols que je présentais n’étaient pas « légendaires ». Mais c’est aussi pour faire partager des cols qui m’ont touché. Certains sont de véritables spectacles comme la Cayolle ou la Hourquette d’Ancizan. Tu regardes partout. Pour faire partager. Par « légende", j’entends aussi beauté.
D’ailleurs, quels cols attendez vous lors du Tour de France 2023 ?
Spontanément, je dirai le col de la Loze, il est hyper spectaculaire. Voire très surprenant. Tu ne sais à quoi t’attendre. Je trouve que ce col est très dur. Je trouve Agnel beaucoup plus difficile car il n’y a aucune partie de récupération alors que dans la Loze, tu as des parties avec des petites descentes qui te permettent de souffler même si les murs se dressent à 20%. Au niveau du Tour de France, ça sera un moment fort comme en 2020. C’est hyper spectaculaire et c’est un sacré morceau. Il y aura la descente vers Courchevel en suivant, ça peut envoyer du bois en descente. Ça sera un moment fort.
Il y aura également l’étape avec le Grand Colombier qui sera magnifique. C’est un peu comme Agnel, il est très dur. Il est d’ailleurs très sous-estimé car il ne fait pas partie des légendes mais il est extrêmement difficile.
📸Crédit par Pascal Coic - Nicolas Geay dans le Grand Colombier
Que pensez-vous de l’étape 20 et des cols d’Alsace ?
J’ai été en reco avec les filles de la FDJ en voiture pour le Tour de France féminin 2022. Je ne connaissais pas le Petit Ballon et je l’ai trouvé très dur. Les 6 premiers km sont proches de 9% (au total 9km à 8,1%) et l’arrivée est très jolie. Je ne trouve pas les autres (Ballon d’Alsace et Platzerwasel) si durs. J’avais hésité sur le livre entre la Planche des Belles Filles et le Grand Ballon. En tant que cyclo amateur, ce dernier ne me passionnait pas plus que cela avec ses grandes routes. En revanche, le Petit Ballon c’est court, dur, et très beau ! Cette étape reste très intéressante car elle a lieu avant l’arrivée. Mais maintenant, j’ai l’impression que les cols de 7% ne sont pas assez durs pour faire la sélection. Ils les passent presque sur le grand plateau et c’est difficile de faire la différence entre les 30 premiers gars sur certains cols peu pentus. Mais on peut être surpris. Par moment, il se passe l’opposé, on n’est sûr de rien ! Le scénario avec les femmes était incroyable, cela avait explosé dans tous les sens. Dans tous les cas, ces massifs-là sont intéressants. Les organisateurs veulent jouer avec tous les massifs désormais, pas que les Alpes et les Pyrénées.
Vous pouvez retrouver en librairie les livres "Cols de Légendes" et
"Cols de Légendes 2", aux Editions Amphora.
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