Il est quasi inaccessible dans les médias français, fait partie des plus grands coureurs de l'histoire, et pourtant, Vélofuté a eu la chance d'interviewer Alejandro Valverde. Avec 133 victoires en carrière, celui que l'on surnommait El Imbatido est un des coureurs les plus victorieux de tous les temps, sans être un sprinteur. Sa réputation et son aura dans le peloton ont marqué sa carrière, tout comme sa longévité, inégalable. Aujourd'hui à la retraite, Bala est devenu récemment sélectionneur de l'équipe nationale espagnole et continue de se faire plaisir en Gravel, à 45 ans bientôt.

Lorsqu'un vin vieillit bien, on dit qu'il se patine et que ses arômes « s'assagissent » et lorsqu'un coureur vieillit bien, on dit qu'il fait une "Valverde". Personne n'a jamais eu un tel niveau à son âge et une telle longévité dans le cyclisme. Une longévité qui lui a longtemps permis d'être notre meilleur coureur du siècle, jusqu'à ce qu'un extra-terrestre du nom de Pogacar, n'arrive dans le peloton pour lui voler la vedette. Néanmoins, pouvoir interviewer un coureur d'un tel calibre est une chance inouïe, surtout lorsqu'il s'agit d'un coureur étranger, ne parlant qu'en espagnol.
Il n'est pas simple de faire parler le Murcian. Sa présence dans les médias est très rare voire quasi inexistante en France depuis 15 ans. C'est donc un véritable privilège qu'il nous a accordé et nous en sommes très reconnaissant.
Alejandro, tu as réalisé de nombreuses choses dans ta carrière mais avec le recul, quel est ton plus grand regret ?
A.V : Plus qu’un regret encore, le Tour de France 2017 a été le plus douloureux pour moi. J’étais en très grande forme et le parcours me convenait très bien. Je me voyais faire de grandes choses mais je chute et j’abandonne le premier jour, c’était très dur.
Ta longévité fut unique dans le cyclisme, selon toi, quelle en est la raison ?
A.V : Au final, le secret, c’est ma passion. Ce n’est pas difficile de rester dans l’élite quand cela te plait beaucoup et ne te coûte pas beaucoup de travail.
Quel est ton plus beau souvenir et le plus bel accomplissement de ta carrière ?
A.V : Ma victoire la plus importante a été le Mondial d’Innsbruck. Pour le reste, je dirais que j’ai beaucoup profité et pris du plaisir pendant toute ma carrière.
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A quel point ce fut important pour toi d'être entouré d'amis durant ta carrière, comme Imanol ou plus particulièrement José Joaquim Rojas ?
A.V : Ils ont été de très importants coureurs pour moi. J’ai été très proche de Rojas ; étant également de Murcie, nous nous connaissons depuis petits. Avec Imanol, on a partagé beaucoup de moments ensemble dans les chambres d’hôtels, pendant les courses, et son aide a été fondamentale pour moi.
Comment as-tu pris la décision de prendre ta retraite : ne penses-tu pas que tu aurais toujours pu être compétitif aujourd'hui, même à 44 ans ?
A.V : Lorsque j’ai pris ma retraite à 42 ans, j’ai fini parmi les cinq premiers sur les trois ou quatre dernières courses que j’ai faites en Italie, donc mon niveau était encore assez haut. Mais au final, dans une carrière professionnelle de vingt ans, il faut bien un début et une fin.
Pourquoi as tu accepté ce poste de sélectionneur de l’équipe d’Espagne ? Etait-ce un objectif ou plutôt une opportunité ?
A.V : C’est un beau et excitant projet. L’opportunité s’est finalement présentée et on l’a saisie. Maintenant, je vais essayer de faire du mieux que je peux et essayer d’obtenir une médaille au Mondial.
Y a t-il une chance de te voir un jour Directeur Sportif de Movistar Team ?
A.V : C'est encore trop tôt pour le dire mais pour le moment, je ne m'y vois pas encore.
Quel est ton objectif pour le mondial 2025 au Rwanda ? Vas-tu viser l'or malgré la présence de Pogacar ? As-tu déjà des noms en tête pour y parvenir ?
A.V : Il est évident que je démarre comme sélectionneur à un moment où arrive une belle fournée de jeunes et bons coureurs espagnols. Obtenir une médaille a toujours été difficile, surtout l'or, je sais de quoi je parle mais il faut que nous fassions les choses bien et que nous essayons, au-delà du résultat, de faire du mieux possible.
As-tu en tête d'emmener ton équipe en stage de préparation avec les championnats du Monde ?
A.V : Il y a une liste de coureurs dont tu sais qu’ils peuvent être bien pour aller au Mondial. Je dois aller voir le parcours plus en détail, mais j’ai déjà plus ou moins en tête les bons coureurs. Cela étant, il faut parler avec ces coureurs pour voir s’ils sont motivés et enthousiastes à l'idée d'y aller. C’est un Mondial un peu atypique de par le lieu. Il est encore tôt pour dire qui pourra ou ne pourra pas y aller de manière définitive.
A part les coureurs Movistar et les cadors que sont Pogacar, Evenepoel ou Van der Poel, y a-t-il un coureur qui t'impressionne et que tu aimes suivre ? Une révélation ?
A.V : Beaucoup de jeunes coureurs de haut niveau sont entrain d'apparaître comme Pablo Torres ou Hector Alvarez. Mais il faut être patient, ils sont encore très jeunes.
Y-a t-il aujourd'hui un coureur qui te ressemble ou dans lequel tu te reconnais ? On pense à Thibau Nys à tes débuts par exemple ?
A.V : C'est difficile à dire. C'est compliqué de faire des comparaisons. Nous sommes actuellement en train de vivre une époque du cyclisme différente de la période dans laquelle j'ai commencé.
Tu as gagné la Flèche Wallonne quatre fois d'affilée, un record évidemment. Penses-tu qu'un coureur puisse un jour te dépasser ?
A.V : Je pense que c'est possible oui, notamment pour un coureur comme Tadej Pogacar. Mais je ne pense pas que cela soit un objectif pour lui.
Si Pogacar venait à y participer à Paris Roubaix, parirais tu sur lui ou plutôt Van der Poel ?
A.V : Si il prend le départ, je pense que Pogacar peut avoir des chances de gagner mais ce n'est pas fait.
Songes-tu à participer aux championnats du monde de Gravel ?
A.V : Je vais participer à plusieurs courses UCI (Il vient de gagner la Castellon Gravel Race) mais aussi à The Traka, la Coupe d'Espagne et il est possible que j’aille en Californie oui.
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Est-ce que tu t'es fixé des objectifs en gravel ?
A.V : Non aucun, ce n'est pas le but. Je veux avant tout profiter et m'amuser. Si les résultats sont là, tant mieux, sinon, tant pis.
Pas même le championnat d'Espagne ? [Il a fini 2e en 2024 dans le même tant que le vainqueur]
A.V : Non, ce n'est vraiment pas mon objectif. j'ai 45 ans bientôt, je veux juste prendre du plaisir.
Propos traduits de l’espagnol par Valentin Franco.
La fiche de d'Alejandro Valverde
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Espagnol - 45 ans
Equipe : Kelme (03-04) Movistar (2005-2022)
Victoires : 133
5 fois meilleur coureur au classement UCI - 2e meilleur de l'histoire
Un titre de champion du Monde
1 Vuelta
4 Liège Bastogne Liège
5 Flèche Wallonne
2 Clasica San Sebastian
7 Tours World Tour (Dauphiné, Ituzlia, Catalogne)
Record de victoires sur les deux classiques ardennaises (5 Flèche et 4 Liège)
Record de podiums (18) sur le triptyque ardennais, devant Merckx (15)
Record de top 10 réalisés sur les trois Grands Tours (20), devant Bartali, Delgado et Gimondi (18)
Record du nombre de médailles sur le Championnat du Monde (7 : une d’or, deux d’argent et quatre de bronze)
2e coureur de l’Histoire avec le plus de podiums sur les Monuments, Mondiaux et Grands Tours (26), derrière Merckx (45) et devant Coppi (25), Gimondi (25), Moser (24), Bartali (23), De Vlaeminck (22) et Hinault (21)
Bravo et merci pour cet entretien avec ce champion de légende.
C'est la première fois que je vois une Interview d'Alejandro Valverde!! Bravo et merci !!
Incroyable! C'est énorme d'avoir un tel coureur. Bravo