Décevante 20e équipe au classement UCI 2020-2022 et reléguée en Pro Team, Israel Premier-Tech a remis les choses à plat pour repartir sur une stratégie différente de la précédente. Avec beaucoup de succès. Décryptage.
Descendre pour mieux remonter. Tomber pour mieux se relever. Vivre des échecs pour connaître le succès. Les formules sont nombreuses et variées mais se montrent souvent véridiques. Le cas d’Israël Premier Tech en est un exemple frappant. Relégué du World Tour fin 2022, les hommes de Sylvan Adams avaient même cru que le coup de gueule du milliardaire israélo-canadien pourrait annuler la sentence. Mais l’UCI n’a pas fléchi et a bien évidemment maintenu son système de montée-descente entre le World Tour et le Pro Tour, pour ne garder que les 18 meilleures équipes en première division.
Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts. IPT a quasiment validé sa remontée en World Tour pour le prochain cycle UCI 2026-2028. Une transformation express que l’on vous propose de décrypter ici.
Après une progression fulgurante, portée par leur propriétaire mécène, les amenant du circuit continental au World Tour en à peine 5 ans, les Israéliens ont misé sur une stratégie à deux piliers pour s’imposer dans l’élite du cyclisme mondial. Le premier était le recrutement de gloires du cyclisme en fin de carrière, à un âge avancé (33 ans en moyenne) en estimant qu’il leur restait bien quelques saisons de haut niveau dans les jambes pour aider l’équipe à se maintenir et se développer. Surtout, ces cadors devaient également amener leur expérience et leur aura pour à la fois transmettre aux jeunes, et donner de la lumière à cette équipe singulière. Un enjeu géopolitique qui était très clair lorsqu’André Greipel ou Christopher Froome participaient au Tour du Rwanda notamment, pour parfaire l’image de l’État hébreu en Afrique. Le second pilier était de servir de tremplin au cyclisme israélien, qu’Adams voulait ardemment développer. IPT voulait permettre aux ressortissants de son pays d’accéder au haut niveau. Guy Niv fut d’ailleurs le premier Israélien à terminer le Tour de France en 2020, un exploit massivement relayé par l’équipe auprès des médias.
Exit les pré retraités, place à la jeunesse
Malheureusement, la stratégie établie s’est avérée être un échec : alors que les anciennes gloires, à quelques exceptions près (Michael Woods, Dan Martin), n’ont pas réussi à retrouver un niveau digne de leurs émoluments, les quelques Israéliens n’étaient pas au niveau du World Tour. Un échec qui s’est matérialisé par une relégation en Pro Tour. Un coup d’arrêt, mais qui a permis de tirer des leçons et de repartir sur une nouvelle stratégie. Et cette fois, elle semble payante. La première a certainement été de laisser tomber les deux piliers structurant la précédente stratégie. La deuxième fut d’en prendre le contre-pied. Exit les pré-retraités, très onéreux et plus au niveau, pour sortir d’une image qui collait à la peau d’IPT. « Nous ne sommes pas une maison de retraite », déclarait d’ailleurs Georges Bennett au magazine Rouleur début 2024. Et pour cause, en à peine 3 ans, les choses ont changé, ce que démontre aisément le graphique ci-dessous.
La part des coureurs de plus de 30 ans est passée de 61% en 2022 à 32% en 2024 ! Une part qui devrait continuer à diminuer en 2025, avec les départs notamment de Jakob Fuglsang (39 ans) et Simon Clarke (38 ans) avant celui attendu de Chris Froome, conspué par Sylvan Adams depuis plusieurs saisons. Surtout, ces coureurs âgés ont fait place à de très prometteuses pépites. Avec 12 coureurs de moins de 25 en 2024 contre seulement 4 en 2022, les blanc et bleu ont effectué une cure de jouvence plus que réussie. Et c’est certainement là que se situe le vrai pilier stratégique d’Israël-Premier Tech : des méthodes de scouting améliorées pour recruter les meilleurs jeunes talents. « La réalité, c’est que nous avons entamé ce processus depuis quelques années déjà mais que cela porte ses fruits surtout depuis 2 saisons, expliquait mi-juillet Kjell Carlström, manager de l’équipe, à Daniel Benson. C’était notre idée de repérer avant tout des jeunes talents en étant sûr de leur apporter une valeur ajoutée dans notre équipe de développement, puis les développer en interne, plutôt que d’essayer d’attirer des coureurs déjà établis. » Il est vrai que l’équipe de développement de la structure a été créée en 2019. Dirigée à l’époque par l’Australien Zack Dempster, la dévo avait pour but « de former au mieux des jeunes U23 pour que le plus grand nombre intègre notre effectif professionnel par la suite », nous confiait-il.
Israel Premier-Tech Academy, la base des succès actuels vers le World Tour
Cet investissement important n’a certes pas payé à court terme pour permettre aux Israéliens de se maintenir en World Tour. Mais il est la base des succès actuels. Composée avant tout d’Israéliens mais aussi de coureurs internationaux, Israel Premier Tech Academy a su s’appuyer sur des cadres renommés comme Jens Blatter, grand artisan du succès de la Conti GFDJ entre 2019 et 2023. Son arrivée chez IPT coïncide avec le passage professionnel de Marco Frigo, Riley Sheenan, vainqueur de Paris-Tours, et surtout Derek Gee, qui n’a pas tardé avant de faire ses preuves sur le Giro. Cette année, c’est le jeune Joe Blackmore, ravi au Team Inspired fin 2023, qui a marqué les esprits en remportant Liège-Bastogne-Liège U23 puis le Tour de l’Avenir après avoir été intégré à l’effectif pro en mai.
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La dévo regorge de grands talents qui alimenteront l’effectif professionnel dans les prochaines années, aux côtés d’autres talents péchés un peu partout dans le monde. Et dans cette catégorie, IPT a effectué quelques jolis coups bien sentis. On pense bien sûr à Stephen Williams. Le Britannique, récupéré fin 2022 à la Bahrain Victorious à 26 ans, a passé un cap incroyable chez les Israéliens. Vainqueur du Tour Down Under contre toute attente en janvier, le grimpeur-puncheur s’est ensuite imposé sur une Flèche Wallonne dantesque, avant de remporter le Tour de Grande-Bretagne, tout en maîtrise. Une preuve supplémentaire que l’équipe de Kjell Carlström s’est améliorée sur de nombreux aspects. « On bénéficie de protocoles très pointus pour la performance, la nutrition, l’aérodynamisme, le matériel, l’entraînement, l’altitude etc., raconte Bennett. On fait la même chose que chez Jumbo, si ce n’est plus », termine le Néo-Zélandais, passé du mastodonte néerlandais à la Pro Team l’hiver dernier. Ce dernier souligne d’ailleurs l’importance de certains membres du staff comme Daryl Impey et Sam Bewley, jeunes retraités qui apportent une expérience et une proximité clé dans le développement des jeunes coureurs.
Bennett parle même d’un véritable « changement d’état d’esprit » avec une grande remise à plat fin 2022. Un changement qui porte ses fruits. Reste à savoir si, une fois la remontée acquise, les Israéliens parviendront cette fois à rester au niveau World Tour grâce à leur nouvelle stratégie. L’avenir nous le dira.
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