Véritable "Cannibale" des temps modernes, acteur majeur de toutes les courses qu'il dispute, sur tous les terrains, et régulièrement vainqueur, Tadej Pogacar n'a en revanche encore jamais été champion du monde. Souvent favori, médaillé de bronze l'an passé, le Slovène ne s'en cache pas : il rêve du maillot irisé. Et, ce, dès Zurich, parfaitement taillé pour ses qualités.
Il y a quelque chose de rassurant à voir Tadej Pogacar encore avoir des courses à gagner. Cela devrait être la norme mais il y a bien longtemps que ce mot a été exclu de son vocabulaire. Comme perdre, lui qui a pratiquement tout gagné sur son passage en 2024, à l'exception du "raté" du Grand Prix de Québec (7e) ou de Milan-SanRemo, "honteusement" terminé à la 3e place. Une des rares courses majeures qui lui échappe toujours. Tout comme les Mondiaux. "C'est vrai que c'est une course qui me manque", expliquait-il récemment à la Gazzetta dello Sport. La Vuelta et Paris-Roubaix aussi, à la différence qu'il n'a couru qu'une fois en Espagne (3e en 2019) et jamais l'Enfer du Nord. Les Mondiaux, eux, sont un passage systématique (5 participations en 5 années professionnelles) de chaque fin de saison du Slovène, pour qui le maillot arc-en-ciel a toujours été un rêve.
Du 50% sur les courses d'un jour
"Le maillot de champion du monde plaît à tout le monde, avouait-il en 2021 à la Gazetta dello Sport. L’idée de le porter me plaît, mais je crois que gagner cette course est l’une des choses les plus difficiles à faire". Pas sûr qu'il est vraiment changé depuis tant le triple vainqueur du Tour de France bute dans sa quête de maillot arc-en-ciel. Lui qui avait découvert la chaude ambiance des championnats du monde sous la pluie glaciale d'Harrogate en 2019 y est depuis revenu à quatre reprises, sans réellement de réussite, à l'exception de sa médaille de bronze l'an passé à Glasgow. Le Slovène avait alors livré un superbe duel avec Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert sur les routes écossaises, sans pouvoir suivre le Néerlandais finalement et ni même le Belge, ressorti dans le final. Mais cette médaille est bien la seule éclaircie. Entre Tadej Pogacar et le championnat du monde, ce n'est pas (encore) l'amour fou.
Transparent (37e) à Louvain en 2021, piégé à Wollongong (19e) par Remco Evenepoel, alors qu'il était l'un des seuls à tenter de réagir, Tadej Pogacar n'avait jusqu'alors brillé qu'à Imola. En 2020, l'alors néo vainqueur du Tour se présente aux Mondiaux italiens en co-leader de la Slovénie avec Primoz Roglic et est le premier favori à tenter sa chance, attaquant en solitaire à 42km de l'arrivée. Une attaque un peu osée pour faire travailler l'équipe de France, qui le reprendra à 21km du but. Il n'y aura donc qu'à Glasgow où le natif de Kemeda a réellement joué le titre mondial depuis le début de sa carrière, ce qui peut presque paraître fou vu sa domination sur les courses d'un jour et son incroyable régularité. C'est simple : à l'exception du récent GP de Québec (où il ne termine "que" 7e), il faut remonter aux Mondiaux 2022 (!!) pour le voir hors du top 5 d'une course d'un jour. Depuis, le Slovène compte 10 succès, 16 podiums et donc 19 top 5 en 20 courses (plus un abandon)… Et si l'heure des Mondiaux était enfin arrivée ?
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A Zurich, Pogacar fait figure d'immense favori, encore plus que d'habitude à la vue du circuit suisse, difficile, à première vue favorable aux grimpeurs avec la Zürichbergstrasse (1,1km à 8%, max 15 %) et l'ascension de Witikon (2,3km à 5,7 %, max 9 %), respectivement effectuée à sept et huit reprises.Un parcours qui plait beaucoup au médaillé de bronze de Glasgow. "Cette année, c'est clairement plus taillé pour grimpeurs, avouait le Slovène à la Gazzetta dello Sport. C'est dur mais ce n'est pas super dur, c'est une course punchy, où il faudra être agressif, avec des parties techniques. C'est un tracé parfait pour des Mondiaux". Pas sûr que Jasper Philipsen et les sprinteurs, ou même Mathieu Van der Poel, soient d'accord, mais le tracé semble en revanche parfait pour lui. Et son ambition est claire : "L'objectif, c'est la médaille d'or, déclarait-il sans surprise à l'UCI. Je sais que Mathieu [Van der Poel] porte bien le maillot arc-en-ciel, mais je veux le lui prendre". Mais le Slovène reste prudent.
Il sait mieux que quiconque à quel point il est facile de se faire piéger en étant l'ultra favori que tout le monde attend. A quel point certains champions du monde n'étaient absolument pas attendus (Mads Pedersen en 2019). A quel point le scénario attendu est parfois si loin de la réalité. "L'an dernier, tout le monde pensait que les Mondiaux de Glasgow terminerait par un sprint et regardez ce qu'il s'est passé, rappelait-il. Peu importe le tracé, ce sont les coureurs qui font la course". Et Pogacar est rarement le dernier à bouger. Il aime prendre la course en main, l'animer, attaquer de loin, dynamiter la course en même temps que les jambes de ses adversaires. Et, en 2024, quand le Slovène passe à l'action, rares sont ceux qui peuvent le suivre. Alors qui sait : "Cette fois, c'est peut-être la bonne". Et ça ne surprendrait personne.
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