Parce qu'elle fut coupée en deux, comprimée en un peu plus de trois mois, la saison de cyclisme 2020 restera dans les mémoires. Entre l'annulation de Paris-Roubaix, une première depuis la guerre, et l'organisation de deux Grands Tours en simultané, la saison 2020 aura été l'année des premières. Elle est surtout le réceptacle de la prise de pouvoir des jeunes au profit des trentenaires.
Les plus pessimistes pensaient que tout s'arrêterait pendant le Tour de France, mais finalement l'UCI et les organisateurs ont réussi à mener la saison 2020 à son terme, avec la Vuelta jusqu'en novembre. Une réussite déterminante pour les équipes et leurs sponsors. Cette pandémie aura malheureusement été de trop pour deux équipes World Tour, NTT et CCC. Cependant, ce calendrier original nous aura permis de vivre des émotions uniques, des semaines passionnantes remplies de vélo, et de sacrés surprises.
La jeunesse au pouvoir :
Définition de jeune : coureur de 25 ans ou moins
Alors que les premières courses Wolrd Tour sont toutes revenues à des coureurs de 26 ou plus comme A.Yates, Stuyven ou Schachmann, la saison post Covid a marqué une vraie cassure avec les 10 dernières années. Sur les 16 courses WT entre août et novembre, 8 ont été remportées par des coureurs de 25 ans ou moins (Van Aert, âgé de 26 ans, n’en fait pas partie) contre 10 sur 38 en 2019, et pas les plus importantes en dehors du Tour de Bernal. Deux GT sur trois ont été remportés là aussi par des jeunes. Du haut de ses quasi 22 ans, Tadej Pogacar a brillamment remporté le Tour de France, un an après Egan Bernal, lui aussi âgé de 22 ans. D'un grand coup de pied, les jeunes ont bousculé la hiérarchie. Au milieu de cela, les Quintana, Pinot, Bardet, Landa semble bien désarmés. Un constat sans équivoque qui rappelle notre article écrit début août : La fin d'une Dynastie ?
Mais alors, ce changement si brusque est-il uniquement dû au Covid et à cette saison si particulière ? Oui et non. Oui parce que la jeune génération est forte et que les plus de 28 ans risque d'être submergée à part Roglic et Alaphilippe, et non car le début de saison était différent. On s'attend donc à ce que les jeunes gagnent encore l'an prochain, mais pas forcément autant.
Les 80s à la peine:
Cette saison ressemble bien à la fin d'une époque. Les coureurs qui ont dominé le peloton pendant plus d'une décennie se sont vu écarter par les jeunes. Les Valverde, Froome, Nibali, Gilbert, van Avermaet, Sagan et dans une moindre mesure Thomas, Kristoff, Fuglsang n’ont pas toujours joué les premiers rôles. Aucune victoire pour Valverde, une première depuis sa première saison pro. Idem pour Nibali ou van Avermaet. L'âge ne joue pas en leur faveur mais le format de la saison non plu. Il est évident qu'après une telle pause, avoir de jeunes jambes est un vrai plus. Alors, sont-ils perdus pour autant ? Même si nous ne voyons pas Froome gagner le Tour ou Nibali le Giro, on pense que la saison prochaine sera différente et qu’on les verra à nouveau victorieux.
Finalement, seul Primoz Roglic a réellement été à la hauteur de son statut, ainsi que Dan Martin, très à son aise sur la Vuelta. Le Slovène est clairement le grand représentant des trentenaires face à la jeunesse. 2e du Tour, vainqueur de la Doyenne et de la Vuelta, il a réalisé une saison immense, au sein d'une équipe énorme et termine numéro 1 Mondial, pour la 2e année consécutive.
Sunweb, la bonne surprise :
La Sunweb fut notre coup de coeur, d'abord parce que nous avions choisi de parler d'elle, de Hirschi et Soren Kragh, avant même qu'elle ne brille, mais aussi par la manière dont elle a couru. Mais après tout, quoi de plus normal, dans une saison où les jeunes ont pris le pouvoir, que la plus jeune équipe du WT soit au sommet ? Il y a une forme de logique, que la formation allemande avait bien anticipée en changeant de stratégie et en misant sur la jeunesse depuis 2018.
Ces jeunes coureurs comme Hirschi, Hindley, Pedersen ou Kragh Andersen ont marqué la saison par leurs offensives sur les routes du Tour, du Giro ainsi que sur les Classiques. Le Suisse a été le fer de lance de l'équipe et les attentes seront énormes l'an prochain. Le Team Sunweb a changé de statut et va devoir l'assumer.
Petite pondération cependant, il est toujours plus facile d'animer un GT lorsque l'on ne cherche pas à briller au général, surtout avec des coureurs de cette qualité. Cependant, c'est un risque que la Sunweb à pris sans remplacer Dumoulin et il s'est avéré payant.
Van Aert vs Van der Poel : le choc des Titans a commencé
Après leur duel en Cyclo-Cross, on attendait enfin que le duo s'affronte sur les classiques flandriennes. Tous deux au sommet sur le Tour des Flandres, ils nous ont livré un formidable mano à mano, auquel aurait pu s'ajouter en arbitre le malheureux Alaphilippe, digne de leur rang. Le sprint fut tout aussi grandiose et la victoire de Van der Poel, qui a assumé le travail dans le dernier kilomètre, en fit un final en apothéose. Dommage que Paris-Roubaix ait été annulé, sans quoi le duel aurait à nouveau eu lieu. Peu importe, nous les retrouverons dès mars prochain, si tout va bien sur les premières Classiques. Doit-on s'attendre à une domination des deux coureurs dans le futur et à un duel épique ? Probablement. A 26 et 25 ans, les deux meilleurs ennemis ne viennent que de commencer.
Des Français au top :
Si cette saison fut compliquée notamment pour les grandes nations comme l'Espagne et l'Italie, la France a en revanche assuré. Après 20 ans d'attente, Julian Alaphilippe a décroché le Graal. Le maillot irisé, celui qui appelle au respect et montre toute la grandeur d'un coureur pendant une saison. Sa chance est qu'il pourra participer à certaines courses à deux reprises, en espérant pour lui qu'il ait plus de réussite, car le maillot irisé parfois perdre ses moyens !
Arnaud Démare est l'autre grand Monsieur de cette saison. 14 victoires, dont 4 sur le Tour d'Italie, ainsi que le maillot Cyclamen, et celui de champion de France. Personne ne dit mieux en nombres de victoires. Le coureur de la FDJ a enfin atteint la plénitude de ses moyens au sprint. A voir l'an prochain, dans un contexte plus classique, mais nous croyons fort en lui.
Mention bien pour Cosnefroy, 2e de la Flèche Wallonne et à Guillaume Martin, maillot à pois sur la Vuelta. Les deux coureurs ont franchi un cap cette saison, en étant au contact des meilleurs dans leurs discipline respectives ! Bravo.
Quelques stats importantes :
14. comme le nombre de victoires de Démare
2. comme le nombre de Vuelta de Roglic
26 comme la moyenne d'âge des vainqueurs en WT
71 comme le plus grand nombre de jours de course par Bilbao (-24)
20 comme le nombre de top 10 sur les GT pour Valverde, record
0 comme le nombre de victoire de la Cofidis
39 comme le nombre de victoires de la Deceuninck cette saison
1 comme le nombre de victoire de Sagan
21 comme l'âge de Pogacar lors de son sacre sur le Tour
Coup coeur de Geoffrey, vainqueur des pronos : le train FDJ
"C'est un groupe de potes qui se connaissent les yeux fermés et qui a permis à Démare de gagner facilement les sprints. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est leur sens du sacrifice. Thomas et Sinkeldam ont vite abandonné mais les cinq autres coureurs ont tous été incroyables. Guglielmi et Frankiny ont roulé en début d'étape et ont parfois été présents dans le final d'étape. Konovalovas est présent depuis 5 ans aux côtés de Demare et est toujours un rouleur de tout premier choix. Scotson a lui un niveau incroyable depuis la reprise. Il a étiré le peloton dans les derniers kilomètres et est devenu un maillon essentiel du train. Guarnieri, meilleur poisson pilote au monde, a encore montré son savoir faire et sa puissance jusqu'aux 200 derniers mètres. Avec un train pareil, Démare devrait encore en gagner des très belles".
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