Le Tour de France n'aura pas été le plus spectaculaire, notamment car l'on attendait plus des Français, mais il a offert un retournement de situation absolument inattendu. Il aura eu le mérite de récompenser des équipes offensives, qui ont animé la Grande Boucle et d'offrir des surprises et du suspense dans tous les classements. Le scénario final, sur le contre-la-montre, est digne des meilleurs films. Une fin tragique pour Roglic mais iconique.
Finalement, ce fut bien le Tour de France de surprises. Un vainqueur encore plus jeune que l'an dernier, pour son 1er Tour, un Sagan détrôné et une ode à la jeunesse. On se souviendra longtemps du scénario de ce Tour de septembre.
Ils ont assuré :
Les jeunes :
On vous écrivait il y a de cela un mois, qu'il était entrain de s'effectuer un vrai changement de leadership générationnel. On vous disait que la génération des 86-93 de Roglic, Pinot et Quintana devait profiter de ce Tour, car après avoir été dominés par Froome, Contador, Nibali et Valverde, les Evenepoel, Bernal, Pogacar n'allaient pas leur laisser de temps pour en profiter. Et bien, ce fut encore plus rapide que prévu. Pogacar a marqué de son empreinte son premier Tour, à 21 ans, tout comme Marc Hirschi, lui âgé de 22 ans. Enric Mas, 25 ans, finit 5e pour son premier Tour en tant que leader, et Lennard Kämna a sauvé la course de son équipe, composée pourtant de Sagan et Buchmann. 14 des 21 étapes ont été remporté par des coureurs de 26 ans ou moins quand Kristoff fut le seul trentenaire à lever les bras, par surprise, le premier jour. Une nouvelle page de l'histoire est en train de s'écrire.
Richie Porte :
C'est honnêtement l'une des belles histoires de ce Tour de France. Alors qu'on pensait qu'il avait laissé passé sa chance, l'Australien a été remarquable durant les trois semaines. Il a su enfin éviter les chutes et a parfaitement géré la crevaison subie dans le passage des Glières. En s'insérant au milieu des Jumbo-Visma sur le chrono, Porte est même parvenu à monter sur le podium, après tant d'années d'échecs, marquées par d'innombrables chutes. C'était l’heure de la revanche pour Richie, qui obtient un podium bien mérité. C'est aussi une belle récompense pour l'équipe Trek-Segafredo, qui s'était attachée les services de Contador, sans succès, et qui vient de recruter Nibali.
Caleb Ewan :
Il avait peu d'occasions pour briller mais le sprinteur australien a su saisir sa chance. Sans doute le plus rapide des sprinteurs, Ewan quitte ce Tour avec 2 victoires d'étape, malgré la perte précoce de Degenkolb et Gilbert. Nul doute qu'avec l'aide de ses deux hommes, ils auraient pu faire encore mieux, notamment sur les Champs-Elysée, qu'il avait remporté l'an passé.
Nos surprises :
Tadej Pogacar :
Parmi nos favoris au départ, on le voyait, vous le savez, ramener le maillot blanc à Paris. Car sa jeunesse allait être un avantage en cette période de reprise mais aussi parce qu'il n'a peur de rien. Cependant, nous n’étions absolument pas préparé à ce que le Slovène remporte le Tour de France le jour de ses 22 ans, après une démonstration stratosphérique lors du contre-la-montre.
Si il a été le seul à être au niveau de Roglic sur les 3 semaines en montagne voire au-dessus, le battant à 3 reprises, le voir reprendre 55 secondes à Roglic sur l'exercice chronométré et l'emporter avec plus d'une minute sur Tom Dumoulin ou Wout Van Aert était inattendu.
Il devient donc le plus jeune vainqueur de la Grande Boucle depuis 1904 ! Un exploit monumental.
Sam Bennett :
Comme la quasi-totalité des suiveurs, nous imaginions Peter Sagan ramener un 8e maillot Vert sur les Champs-Elysées. C'était sans compter sur la détermination et la force de l'Irlandais. Plus rapide que le Slovaque, il a su aussi lui répondre lors des sprints intermédiaires, n'hésitant pas à le suivre dans les échappées. La 19e étape est finalement un parfait résumé du Tour de Sam Bennett, attentif, régulier et ambitieux. Il finit ce Tour de France avec deux étape et un beau maillot distinctif en poche. Bravo à lui car la tâche n'était pas aisée. Et bravo pour le spectacle que les deux hommes nous ont offert.
Nans Peters :
Il aura, grâce à sa victoire en costaud dans les Pyrénées, sauvé le Tour de l'équipe AG2R. Certes, Benoît Cosnefroy n'a pas démérité avec son maillot à pois, mais il a semblé courir à contre-temps à plusieurs reprises et disparu des radars dès la 7e étape. Nans Peters a aussi offert à la France sa deuxième et dernière victoire sur ce Tour et a paru vraiment costaud. Après sa victoire sur le Giro l'an dernier, Peters semble avoir encore franchi un cap en montagne et peut être désormais catégorisé comme un très solide baroudeur, qu'il faut surveiller en échappée. Il ne reste plus qu'à lever les bras sur la Vuelta pour avoir une victoire sur tous les GT. Une performance dont peu de Français en activité peuvent se targuer.
Enric Mas :
Leur présence dans nos surprises va peut-être faire parler, pourtant nous sommes persuadé que personne ne donnait cher de leur peau avant le départ. Mas était aux abonnés absents depuis le début de saison et Valverde, motivé par les JO qui lui ont été enlevés, ciblait plutôt le mondial et la Vuelta. Mais c'était sans compter sur le savoir-faire de l'équipe espagnole. Avec un pic de forme bien géré, Mas est monté en puissance jour après jour. Costaud en 3e semaine, Enric Mas est allé chercher une très belle 6e place au sommet du col de la Loze, ainsi qu'une 9e place sur le chrono. Une performance qui lui permet de terminer à une brillante 5e place à 9 secondes de Landa, 4e.
On a par ailleurs senti une vraie cohésion d'équipe, un sacré contraste par rapport aux années précédentes. L'image de Mas tombant dans les bras de Valverde lors de la 8e étape, après que ce dernier l'ait emmené dans la dernière ascension, en est le parfait exemple.
Nos coups de coeur :
Là, on ne va pas vous surprendre, car nous leurs avions accordé à chacun un article entier et ils ne nous on pas déçu. Au contraire, ils ont confirmé les espoirs qu'on avait placé en eux. Ils ont brillé alors que peu les attendaient (excepté Kämna peut-être).
Quelle force collective, quelle fougue. Nous vous expliquions en avant Tour que la Sunweb s'avançait sans leader et que leur objectif était clair : les victoires d'étape. Et on peut dire assez largement qu'ils ont dépassé les attentes : 3 victoires d'étapes avec Hirschi et Kragh Andersen, le titre de super combatif pour le Suisse et des numéros collectif lors des étapes 5,9,12,14 et 19. L'arrivée à Lyon est sans doute la plus représentative avec des attaques successives de 3 coureurs avant que Sören Kragh Andersen ne puisse profiter d'un moment d'observation pour filer vers la victoire. Comme quoi, pour réussir son Tour, il n'est pas nécessaire de viser un classement. Une performance dont certaines équipes devront se servir dans le futur, on pense notamment à l'équipe AG2R en 2021, dont l'équipe sera composée de formidables routiers comme Jungels, Naesen ou Van Avermaet.
On vous l'avoue, on a craqué. Craqué pour son panache, craqué pour son caractère, son tempérament et sa force tout simplement. Car oui, le Suisse est costaud, très costaud. L'effort solitaire ne lui fait pas peur mais son punch lui permet d'attendre le sprint si besoin. Une palette extrêmement complète qui fait penser inévitablement à des coureurs de renom comme Gilbert ou Valverde. Marc Hirschi a, à 22 ans, éclaboussé le Tour de France de son talent.
Comme Marc Hirschi, nous avions fait un focus sur le jeune Allemand, nouvel arrivant au sein de la formation Bora-Hansgrohe. On peut dire que Lennard Kämna nous a rendu heureux. Très souvent à l'attaque, il a d'ailleurs mérité d'être cité pour le super combatif, l'ex-coureur de la Sunweb a sauvé le Tour de France de son équipe, qui a raté le coche au général avec un Buchmann diminué ainsi qu'au classement par points, où Sagan a vu sa domination prendre fin. Il fut même en lice dans la course au maillot à pois et s'est sacrifié pour Sagan à de nombreuses reprises. Un très beau Tour de sa part. Coureur par étape par excellence, il va pouvoir maintenant briguer une place de leader sur certaines courses par étapes d'une semaine voire sur le Giro ou la Vuelta.
Le doublé Ineos :
La scène fut belle et réjouissante. Voir passer les deux compères d'échappée ensemble, avec 3 minutes d'avance sur le peloton représente ce qu'est le cyclisme : un travail d'équipe. Un sens du collectif hyper développé, initié par le regretté Nicolas Portal, que le Team Ineos Grenadiers maîtrise à la perfection. C'est par ailleurs une superbe récompense pour Michael Kwiatkowski, qui remporte enfin sa première victoire sur un Grand Tour.
Ils nous ont déçu :
Egan Bernal :
Vainqueur autoritaire lors de la reprise de la compétition, Egan Bernal a semblé régresser au fur et à mesure que les semaines passaient. Obligé d'abandonner sur le Dauphiné à cause de douleurs au dos, Bernal était pourtant un solide 3e du général à la fin de la première semaine. Certain le voyaient même finir en trombe. Il n'en fut rien. Le Grand Colombier a fini par mettre à sa place le vainqueur sortant, qui s'est retrouvé sans force ce jour là. Son abandon a finalement libéré son équipe et il va falloir maintenant comprendre pourquoi le Colombien était si loin de son meilleur niveau dès la fin de la 2e semaine. Est-ce une surdose d'entrainement pendant le confinement ? Un mal dont certains coureurs expérimentés comme Valverde avaient mis en garde.
Les Français :
Ils nous ont fait tant sourire l'an dernier, tant rêvé durant près de trois semaines, que la débâcle de cette année fut dure à vivre, surtout pour le classement général. Si Alaphilippe avait bien commencé son Tour, avec une victoire, on a vite compris que le Français n'avait pas les jambes de 2019, occupé par un objectif plus lointain. Quant à Pinot, sa chute nous a vite inquiété et sa défaillance, à cause de douleur au dos, a été vécue comme un coup de poignard tant les espoirs étaient grands. Guillaume Martin et Romain Bardet étaient pourtant là pour assurer les arrières, mais là aussi, les chutes ont brisé les rêvent des coureurs français. Est-ce de la malchance ? On pense qu'il est trop simple de raisonner de la sorte.
Quant aux baroudeurs, seuls Rolland, Peters et Cosnefroy ont vraiment été en vue. Lilian Calmejane, comme sa formation d'ailleurs, a été très discret à l'instar de l'équipe Arkéa-Samsic de Quintana et Barguil. Là encore, les espoirs furent enterrés par une chute du Colombien. Un mal qui arrive rarement par hasard cependant. Pour Warren Barguil, il n'avait simplement pas les jambes et n'a jamais pesé sur la course malgré son bon contre-la-montre. On notera tout de même la très belle performance de Rémi Cavagna samedi, qui laisse augurer de très belle choses pour le mondial la semaine prochaine.
Ils ont marqué le Tour :
Primoz Roglic et son équipe
Ils étaient attendus et ils n'ont pas vraiment déçu. Du premier au 19e jour, ils auront contrôlé la course et imposé leur classe sur le Tour. D'abord au classement général, avec deux coureurs dans les 7 premiers mais aussi sur les étapes, avec Roglic, Dumoulin et Wout Van Aert. En montagne, les jaunes et noirs ont impressionné, particulièrement Wout Van Aert, que l'on attendait pas à ce niveau tout comme Sepp Kuss. L'Américain a permis d'apporter de la sérénité à son leader, en l'accompagnant très loin lors des ascensions, notamment lors de l'arrivée au col de la Loze. On avait déjà entrevu son potentiel sur la Vuelta 2019, remporté aussi par le Slovène. Un duo qui fonctionne bien.
Seulement voilà, Primoz Roglic n'a finalement pas remporté le Tour, la faute non pas à une contre-performance, puisque ce dernier réalise le 5e temps lors du CLM, soit son meilleur résultat en fin de Grand Tour sur l'exercice, mais bien à cause d'un numéro de son compatriote Pogacar. Roglic va maintenant devoir essayer de s'en remettre, à l'image de Laurent Fignon à son époque, mais la foudre s’est abattue sur une journée qui devait le couronner roi du Tour 2020. Difficile à encaisser.
On peut conclure par un constat, c'est que l'équipe Jumbo-Visma a peut-être parfois manqué d'humilité, à vouloir contrôler tout le monde quasiment tous les jours. Elle a peut-être aussi vu le contre-la-montre final comme un avantage pour Roglic et l'équipe, alors que son jeune compatriote l'avait devancé fin juillet au championnat de Slovénie du contre-la-montre. N’est pas Sky qui veut, mais en conservant son ossature, la formation néerlandaise a prouvé qu’elle pouvait contrôler le peloton sur le long terme. A ceux que cela déplaît, cela risque de durer.
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